Écrans : le défi du bon sens

Les membres de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. Photo: Collection de l’Assemblée nationale du Québec, photographe : François Nadeau.

L’utilisation des écrans est un enjeu délicat. C’est l’une des raisons de la tenue de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes, présidée par Amélie Dionne, députée de Rivière-du-Loup–Témiscouata pour la Coalition Avenir Québec. L’exercice vise à étudier les impacts de l’utilisation des écrans sur la santé mentale et physique des jeunes Québécois, ainsi que sur leur développement social.

« Ce qui me frappe le plus depuis le début, c’est que les jeunes eux-mêmes expriment leurs préoccupations face à l’utilisation des écrans. Ils savent qu’ils ont besoin d’un cadre plus strict, et souhaitent être mieux encadrés », explique Mme Dionne, ajoutant que la Commission cherche à mieux comprendre comment les jeunes, leurs parents et les intervenants scolaires perçoivent ce phénomène. « Les parents se sentent souvent démunis, et il est crucial de les soutenir dans ce contexte. Ce n’est pas seulement une question de gestion en classe, mais aussi un enjeu de société. »

Les sujets abordés incluent le temps d’écran, la cyberintimidation, l’accès aux réseaux sociaux et aux contenus inappropriés, ainsi que les mécanismes de dépendance créés par certaines applications. « Il est crucial de trouver un équilibre entre les avantages pédagogiques des écrans, et la nécessité de protéger la santé mentale des jeunes », précise Mme Dionne. « Entre zéro et deux ans, les écrans devraient être exclus, et pour les enfants de deux à cinq ans, leur usage devrait être extrêmement encadré. »

Selon la Commission scolaire Kamouraska–Rivière-du-Loup, l’interdiction du cellulaire en classe ne cause pas de problème majeur. Les directions des écoles secondaires de Saint-Pascal et de La Pocatière rapportent que cette mesure est bien respectée par les élèves, habitués aux règles. « Il y a toujours quelques cas isolés de confiscation ou de rappel à l’ordre, mais en général, tout se passe bien », assure Geneviève Soucy, directrice générale adjointe du Centre de services scolaire de Kamouraska–Rivière-du-Loup.

Le rôle des enseignants et des écrans

Richard Bergevin, président de la Fédération des syndicats de l’enseignement du Québec (FSE-CSQ), a comparu récemment devant la Commission. Il estime que l’utilisation d’écrans en classe présente des avantages indéniables pour l’enseignement et les apprentissages, mais qu’un mauvais usage comporte des risques qu’il est impératif de minimiser. « L’utilisation des écrans peut être très utile si elle repose sur une intention pédagogique, et qu’elle est mise au service des apprentissages. Il est donc essentiel que l’usage des technologies numériques soit réfléchi, et qu’il respecte les choix pédagogiques du personnel enseignant », explique-t-il.

Une enquête réalisée en 2023 par la FSE-CSQ révèle que 92 % des enseignants consultés se sont montrés défavorables à l’utilisation du téléphone cellulaire en classe, sauf à des fins pédagogiques. Karine Nantel, première vice-présidente de la FSE-CSQ, souligne l’importance de faire la distinction entre l’utilisation d’un outil numérique personnel, et celle d’un appareil fourni par l’école : « L’accès à un téléphone personnel en classe est une source de distraction évidente, notamment en raison des enjeux liés à l’utilisation des réseaux sociaux. En revanche, une tablette ou un ordinateur fourni par l’école dans le cadre d’une activité d’enseignement est un outil intéressant qui permet de varier les approches pédagogiques et de stimuler les apprentissages. »

Le rôle des parents et des jeunes

Amélie Dionne rappelle que les enfants apprennent souvent par mimétisme, et que les parents doivent être conscients de l’exemple qu’ils donnent : « Des jeunes nous disent qu’ils se sentent ignorés par leurs parents, qui passent trop de temps sur leur propre téléphone. » Elle souligne que l’exposition précoce aux écrans peut avoir des répercussions sur le développement social des enfants. « Ce qu’ils voient sur ces plateformes, que ce soient des contenus inappropriés ou des publicités, peut influencer leur comportement de manière négative. »

Les travaux de la Commission visent à trouver des solutions adaptées, sans bannir totalement les écrans : « Nous ne voulons pas interdire les écrans. Ce que nous cherchons, c’est à mieux les encadrer, à poser des balises claires pour protéger les jeunes et leur santé mentale. Il faut aussi penser aux parents qui ne doivent pas être laissés seuls dans cette démarche. Ils sont souvent mal outillés, et c’est un enjeu qui les préoccupe énormément. »

Tournée des écoles et consultation publique

Pour mieux comprendre la réalité des jeunes, la Commission entreprendra une tournée des écoles en novembre afin de recueillir directement leurs témoignages. « Il est important d’écouter les jeunes, car ils vivent cette situation au quotidien. Nous leur poserons des questions spécifiques sur leur utilisation des écrans pour mieux adapter nos recommandations », explique Mme Dionne.

En parallèle, une vaste consultation en ligne sera lancée afin que toute la population puisse partager son avis sur ce sujet crucial. Le rapport final, qui inclura des recommandations pour mieux encadrer l’utilisation des écrans et des réseaux sociaux, sera remis en mai 2025.