Éditorial : Rire du monde à haut débit

De gauche à droite : Pierre Saillant, maire de Mont-Carmel; Richard Caron, maire de Saint-Bruno-de-Kamouraska; et Benoît Pilotto, maire de Saint-Onésime-d’Ixworth. Photo : Maxime Paradis.

L’annonce du déploiement du service internet à haut débit dans dix autres municipalités du Bas-Saint-Laurent, dont cinq au Kamouraska, n’est rien d’autre qu’une farce monumentale. En fait, l’ensemble de l’opération avait plutôt l’apparence d’une annonce préélectorale pour le Parti libéral du Canada que d’une information digne de mention.

Il ne manquait à ce point de presse que le candidat libéral de Montmagny—L’Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, Aladin Legault d’Auteuil, pour qu’on puisse dire hors de tout doute qu’il s’agissait d’une opération charme du gouvernement fédéral à l’aube des élections prévues cet automne. Parce que rappelons-le, ce dernier avait tout de même pris la peine de marteler dans les tribunes médiatiques régionales, dans les jours précédents, qu’il désirait se pencher sur l’accès à internet haute vitesse advenant son élection le 21 octobre prochain.

Néanmoins, que M. Legault d’Auteuil ait été présent ou non, la consistance de l’annonce de mardi et l’absence de plusieurs acteurs clés en lien avec ce projet ne font que témoigner de l’organisation en « haute vitesse » de ce show de boucane qui devait visiblement se tenir avant le déclenchement – peut-être hâtif? – de la campagne électorale fédérale.

Des absents

Ne serait-ce qu’au chapitre des municipalités du Kamouraska visées par le déploiement du service, d’aucun des maires de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Saint-Philippe-de-Néri, Saint-Alexandre, Saint-Pacôme et Saint-Germain n’étaient présents au point de presse. Peut-être profitaient-ils de leurs vacances estivales, comme c’est aussi leur plein droit? Mais de toute évidence, l’annonce pressait trop pour attendre leur retour.

Du côté de Bell Canada, qui sera le maître d’œuvre du déploiement de ce réseau internet à haut débit, son seul représentant présent au point de presse n’a jamais été invité à l’avant-scène pour parler au nom de l’entreprise, alors qu’elle investit pourtant 3 M$ sur les 5,5 M$ que coûtera le projet total. Par contre, il faut dire qu’il n’était pas attitré non plus par son employeur à répondre aux questions des journalistes. Raison de plus pour qualifier l’ensemble de l’œuvre « d’annonce préélectorale » visant à mettre en valeur le gouvernement de Justin Trudeau, dont le secrétaire parlementaire du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique et député d’Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia Rémi Massé était le fier représentant.

Des peanuts

D’un autre côté, Bell Canada avait aussi plutôt intérêt à la jouer en retrait lors de cette annonce. Quand on compare son engagement avec celui de TELUS pour la MRC de L’Islet, en mai dernier, il n’y a pas de quoi pavoiser : 3 M$ dans 10 municipalités bas-laurentiennes pour rejoindre environ 2700 foyers et entreprises d’ici… 2022. Bell ne souffre clairement pas du syndrome de la « haute vitesse! » À titre indicatif, c’est 15 M$ que TELUS investira dans onze municipalités de L’Islet en 2019-2020 afin de permettre à 19 000 familles d’avoir accès à internet haut débit via sa technologie fibre optique, pour un investissement des paliers gouvernementaux inférieurs à celui annoncé mardi de 500 000 $.

Bref, le préfet de la MRC de Kamouraska Yvon Soucy avait beau se montrer optimiste en mentionnant qu’il sentait aussi un « engouement » pour le développement d’un réseau internet à haut débit, notamment dans les municipalités toujours pas desservies, mais pourtant, Bell Canada nous a confirmé n’avoir aucune autre annonce à faire concernant Saint-Joseph, Sainte-Hélène, Saint-Bruno, Mont-Carmel, Saint-Gabriel ou Saint-Onésime. Il faut dire que Bell n’est pas le seul acteur présent sur le territoire et que ce développement pourrait très bien venir d’un autre fournisseur. Néanmoins, on peut tout de même comprendre l’exaspération des maires Richard Caron, Benoît Pilotto et Pierre Saillant pour qui seule une date sera assez concrète pour casser cette impression d’être constamment les bouffons d’une farce au service de candidats aux élections en mal d’être élus ou réélus.