En avons-nous pour notre argent?

Assemblée nationale. Photo Wikimedia Commons

Interrogés s’ils estimaient en avoir assez pour l’argent de leurs taxes et impôts, 75% des Québécois — 80% de la population active — ont répondu NON.

Les Québécois tiennent à leurs programmes sociaux universels (santé, éducation, garderies, assurance médicaments, assurance automobile, aide juridique, services sociaux pour les enfants, les aînés, les défavorisés, les victimes, etc.), et ils acceptent, pour la plupart de bon cœur, de payer de lourds impôts pour les maintenir.

Mais de jour en jour, notre État-providence semble de plus en plus embourbé, dépassé même, incapable de livrer ces services adéquatement, que ce soit dans le système de santé, dans le système scolaire, pour les garderies, le logement, les transports collectifs, les permis et les passeports, l’acceptation des immigrants, la protection de l’environnement, la DPJ, les soins aux aînés, les besoins des municipalités et des agriculteurs, les victimes de violence, le réchauffement du climat et ses catastrophes, etc. À tel point qu’on en est rendu à créer, en plus et par-dessus les milliers de fonctionnaires et de conseillers déjà en place dans les ministères concernés, des agences confiées à des « top guns » du privé, payés scandaleusement cher, pour tenter de reprendre le contrôle.

À ce rythme, les déficits de nos gouvernements ne cessent d’augmenter, au grand plaisir des banques privées qui profitent des taux d’intérêt, et du même coup, à la grande inquiétude des citoyens payeurs de taxes. La tentation est forte pour les électeurs de faire confiance à n’importe quel « cinglé » pourvu qu’il leur promette la lune, convaincus qu’ils ne pourront faire pire. Trump en est l’exemple parfait.

Pourquoi?

Le danger, en effet, est que beaucoup de citoyens finissent par penser que l’État-providence a fait son temps, et du même coup, la solidarité sociale, et la démocratie elle-même. N’est-ce pas plutôt la mondialisation, la centralisation de l’économie entre les mains d’une poignée de multimilliardaires, et la centralisation de l’État entre les mains d’une étouffante bureaucratie qui sont responsables de cette incapacité à répondre aux besoins de populations par ailleurs de plus en plus nombreuses, éduquées, vieillissantes, diversifiées, et entraînées dans une spirale de consommation sans fin?

En réalité, ce n’est pas la démocratie qui est en cause : c’est plutôt l’absence de démocratie. La mondialisation, portée par internet et la publicité, a déconstruit les communautés d’autrefois, qui prenaient en mains leur vie et leur territoire, et a favorisé les différences individuelles et l’individualisme; elle a dissous les NOUS au profit des MOI, nous rendant ainsi impuissants à freiner le chaos qui s’installe. Le monde est désormais plus connecté, mais il est moins solidaire : les intérêts individuels dominent plus que jamais l’intérêt général. L’argent est le seul maître en définitive.

Que faire?

Comment répondre à cette dérive de nos gouvernements et de nos communautés? Le constat est troublant, mais les solutions sont loin d’être évidentes.

Comme citoyens, il faudrait cesser de nous comporter comme de simples clients de l’État, et redevenir des citoyens responsables et soucieux du bien commun. Il faut développer un nouvel engagement dans nos communautés de base, et exiger un retour à une plus grande autonomie de celles-ci à tous les niveaux. Du côté des politiciens, il faut exiger qu’ils soient plus responsables, plus compétents, plus courageux, plus efficaces, et surtout moins bassement partisans, c’est-à-dire qu’ils se préoccupent de trouver de vraies solutions aux problèmes, plutôt qu’uniquement assurer leur réélection.

Nous n’avons pas d’autre choix que la démocratie. Autrement, c’est le chaos qui nous guette… ou la dictature.