Le Réseau des groupes de femmes Chaudière-Appalaches (RGFCA) entame son projet de recherche La charge mentale des femmes; la partie invisible du travail invisible en Chaudière-Appalaches. Donnant suite à une recherche à ce sujet effectuée dans la région en 2019-2020, ce projet a pour but d’affronter la problématique de la répartition de la charge mentale dans les couples « hétéronormatifs », qui reposerait presque toujours sur les épaules de la femme. On vise à déterminer le meilleur moyen de sensibiliser les hommes et les femmes à cet enjeu, et à déculpabiliser ces dernières.
Mais la charge mentale, c’est quoi? « C’est dès qu’une personne a à s’occuper de plus qu’elle-même », résume Andréanne Moreau Baril, agente de projet du RGFCA. Dans le contexte de cette étude, on fait référence aux pink tasks, ou tâches mentales. Ce travail invisible et souvent associé aux femmes est un ensemble de tâches « qui sont très lourdes, parce qu’elles sont répétitives et quotidiennes, comparativement par exemple à tondre le gazon — qui se fait une fois de temps en temps », explique-t-elle.
Constats
Trois constats majeurs sont ressortis de l’étude précédente. D’abord, les répondantes ont révélé devoir essentiellement penser à tout pour tous les membres de la famille. Ensuite, elles ont exprimé ne pas avoir quelqu’un sur qui s’appuyer. Finalement, elles ont le sentiment de devoir être à la hauteur dans toutes les sphères de leur vie. Pour la plupart, « la solution, au préalable, ce n’était pas d’avoir une meilleure répartition des tâches entre les partenaires, rapporte Andréanne Moreau Baril. C’était plutôt d’avoir une soupape pour être capable d’évacuer le trop-plein ».
Parallèlement, l’étude a mis à l’évidence la culpabilité que ressentaient ces femmes. L’agente de projet soutient qu’on leur envoie le message que c’est à elles d’exprimer davantage leurs besoins. Ou encore, on leur dit que c’est à elles d’aller « faire du yoga » pour régler leurs problèmes, ce qui leur assigne une plus grande charge mentale, prévient-elle. Même dans les cas où la femme s’exprime, la tendance serait que son conjoint rétorque en énumérant les tâches qu’il accomplit, concluant ainsi qu’elle exagère.
« Ça revient beaucoup à pointer la femme du doigt comme celle qui est responsable de sa situation, et à demander pourquoi elle ne s’améliore pas […] Le but c’est d’enlever ça, et d’aller dans un contexte plus structurel, du fait qu’il y a une socialisation genrée dès notre tendre enfance, et qu’il faut essayer de la combattre », explique l’agente de projet. C’est pour cette raison aussi que le réseau inclut les hommes dans sa recherche, parce qu’ils sont essentiels au meilleur équilibre de la répartition des tâches entre partenaires hétéronormatifs.
Le projet de recherche actuel en est à ses balbutiements, précise Andréanne Moreau Baril. Elle ne connaît donc pas encore le meilleur moyen de sensibiliser la population de Chaudière-Appalaches au fléau de la charge mentale. « Il faut essayer de faire en sorte qu’ils écoutent le message, donc de trouver un moyen pour qu’ils veuillent l’écouter », indique-t-elle. Des groupes de discussion qui commenceront à l’automne prochain auront pour but, entre autres, de déterminer les méthodes les plus appropriées à cette fin.
Réserves
La première recherche a été effectuée durant la pandémie, ce qui a pu avoir une incidence sur les résultats, met en garde l’agente de projet. Elle tient aussi à préciser que les femmes ayant participé à la recherche de 2019-2020 étaient majoritairement « privilégiées », ayant par exemple eu accès à l’éducation, ou pratiquant des métiers.
Avec la présente étude, le RGFCA veut joindre des femmes « à la croisée des oppressions ». Elle pense notamment à celles issues de l’immigration, en situation de handicap, ou en situation économique précaire. Pour ce faire, le réseau s’alliera avec le Centre de recherche sociale appliquée (CRSA), avec lequel il a collaboré pour effectuer la recherche précédente. Le centre a plus d’expérience avec les groupes marginalisés, et mènera le volet « recherche » du projet.
Andréanne Moreau Baril mentionne également qu’elles souhaitent dialoguer avec des femmes vivant en couple homosexuel, pour mieux comprendre comment s’établit la charge mentale entre les deux partenaires. Elle invite d’ailleurs toutes les personnes désirant participer au projet à la contacter au 418 831-7588, ou en lui écrivant à projet@femmesca.com.