Gaétan Nadeau : L’intellectuel aux multiples talents

Gaétan Nadeau. Photo : José Soucy

Journaliste, écrivain et politicien de gauche, ce Port-Jolien d’adoption, né à Joliette en 1953, a eu une vie bien remplie, et possède en mémoire plusieurs anecdotes politiques. Méconnu, malgré tout, du grand public, il a pourtant droit à sa biographie sur Wikipédia. À l’aube de ses 71 ans, Le Placoteux a rencontré cet intellectuel de la région afin qu’il nous parle de son parcours particulier ainsi que de ses projets.

L’apprenti journaliste

Gaétan Nadeau n’a pas fait de longues études pour devenir journaliste. C’est à la bibliothèque du coin, au début de son adolescence, que son amour pour la lecture s’est révélé. Il faut dire aussi qu’à cette époque, la situation politique bouillonnait à l’international, ce qui influença fortement le jeune Nadeau. « J’étais abonné à diverses revues et journaux géopolitiques. Les idées circulaient beaucoup. »

Devenu ensuite journaliste en herbe pour son propre journal de 40 pages par semaine, distribué à la polyvalente du secteur, il passa, selon ses dires, plus de temps à travailler sur son hebdomadaire que sur ses cours. Il se souvient même d’avoir déjà fait l’apologie de pensées plus à droite, alors qu’aujourd’hui, il se situe davantage à gauche sur l’échiquier politique.

« On avait un succès fou avec ça! Par contre, quand je relis certains textes que j’ai faits à l’époque, je dois reconnaître que j’étais plutôt de centre droit, même que, des fois, j’étais pal mal à drette. »

Cette expérience lui a permis, vers l’âge de 16-17 ans, de travailler au poste de radio CJNL à Joliette, puisque les formations en journalisme n’existaient pas encore. « C’était l’époque où on commençait le journalisme comme ça, la belle époque des autodidactes, quoi! On préparait les bulletins de nouvelles le midi, et c’est d’ailleurs là que j’ai appris le métier, parce lorsqu’on faisait des erreurs, on se le faisait dire assez rapidement. Ce qui est assez drôle avec le recul, ce sont les noms que j’ai débaptisés lors de mes lectures nécrologiques », a-t-il ajouté en boutade.

Son parcours politique

En 1973, Gaétan Nadeau, l’indépendantiste de gauche — bien qu’il soit le fils d’un organisateur de l’Union Nationale — rejoint l’organisation péquiste de la circonscription de Joliette-Montcalm. Il devint ensuite, dans ses temps libres, attaché de presse bénévole pour le candidat Guy Chevrette, tout en travaillant le jour pour une compagnie minière.

« En plus de l’idée d’indépendance, il y avait également la question de l’assurance-automobile, le « déclubage », qui était la volonté de mettre fin aux clubs privés de pêche et de chasse au Québec, ainsi que le projet de loi sur la protection du consommateur. On trouvait donc, au sein du Parti Québécois, des causes qui venaient nous chercher », a-t-il expliqué.

À l’élection de Guy Chevrette en 1976, Nadeau devint pendant deux ans son attaché politique dans la circonscription, ce qui fut sa première expérience politique comme salarié. « Je n’avais que 22 ans, et je peux te dire que ma pureté en politique en a pris un coup. Entre la vertu, pour laquelle on s’était battu, et ce qu’on pouvait faire, il y avait un monde. Force est de constater que j’y ai perdu ma naïveté, surtout concernant la convergence des intérêts corporatifs et personnels; des aspects qu’on a tendance à nier lorsqu’on est jeune. On ne pense pas que le monde fonctionne de la sorte », a précisé le vétéran.

Même s’il a ensuite quitté le navire, il gardera toujours un bon souvenir de Guy Chevrette, qu’il croise encore à de rares occasions. « Il était un fin psychologue, il comprenait très bien la nature humaine, tellement qu’il était capable d’amener les gens à des conclusions qu’ils n’auraient jamais eues par eux-mêmes. C’était un champion de la négociation. »

En 1982, Gaétan Nadeau déménage à Montréal, où il travaille bénévolement pour le parti politique municipal Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), dirigé à ce moment par un dénommé Jean Doré qui sera par contre défait à cette élection. Il s’agissait en somme d’une coalition de gauche s’opposant au maire de Montréal, Jean Drapeau, qui était en poste depuis 1960.

En 1986, Jean Doré remporte l’élection avec 68 % des voix exprimées, mais une scission arrive l’année suivante dans son parti sur deux sujets épineux, soit le libre-échange et la prolongation des brevets pharmaceutiques. Nadeau partira avec quelques élus réfractaires pour créer la Coalition démocratique Montréal (CDM). Travaillant toujours en politique de façon bénévole, il gagne sa vie à cette époque en œuvrant pour la Ligue des droits et libertés.

En 1990, il est engagé par les élus municipaux d’opposition, aux communications et comme recherchiste. À ce moment, il est mandaté pour surveiller les fonds publics de la Ville de Montréal.

« À force d’être à l’hôtel de ville, on connaissait les points forts et les points faibles de l’administration Doré. Qui plus est, j’avais une facilité pour la recherche et les enquêtes. Pendant cette période de quatre ou cinq ans, il y a une quantité notable de dossiers sur lesquels nous avons travaillé. Sans entrer dans les détails, j’ai été témoin de plusieurs dossiers de corruption municipale, dont un de blanchiment d’argent », a-t-il raconté au Placoteux.

Au NPD

Étant de gauche, Gaétan Nadeau a aussi été candidat pour le NPD aux élections fédérales de 1988 dans la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve. « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’avec le beau risque de René Lévesque, une bonne partie des péquistes ont appuyé le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney, ce qui était encore vrai à l’élection de 1988. Par contre, il y avait une autre frange plus à gauche au Parti Québécois qui était traversée au NPD. »

Même s’il a mordu la poussière en arrivant troisième, juste derrière le candidat vedette libéral Serge Laprade, c’est à cette époque qu’il rencontrera la femme de sa vie, Louise Saint-Pierre, qui le fera ensuite déménager à Saint-Jean-Port-Joli.

Par la suite, Nadeau devint en 1989, pour une période éphémère, le chef du NPD Québec. Il démissionna de son poste un jour après les élections provinciales de la même année, car son parti n’avait récolté que peu de voix.

« Le NPD québécois ne pouvait pas réussir, en raison d’un noyau dur de marxistes qui entravait son développement. Ma volonté écologique se heurtait à leur discours qui ne prenait pas en compte cette question », s’est-il rappelé. C’est d’ailleurs pendant cette période qu’il entama une maîtrise en droit à l’Université de Montréal.

Étant citoyen de Saint-Jean-Port-Joli en 2011, lors de la vague orange, c’est en raison de son implication passée au NPD qu’il a travaillé pour le député néo-démocrate François Lapointe, élu par neuf voix en processus de recomptage face au député conservateur sortant, Bernard Généreux. « Même si je suis à la retraite et que j’ai travaillé pour le NPD, je me considère encore aujourd’hui comme souverainiste », a conclu le principal intéressé.

Ayant été journaliste pour Le Nouvelliste, pour Direction informatique et pour La Terre de chez nous, en plus d’avoir occupé plusieurs postes de recherchiste et d’avoir œuvré pour des associations coopératives d’économie familiale, Gaétan Nadeau a aussi écrit quelques livres, dont deux très importants sur l’histoire des ateliers Angus appartenant au Canadien Pacifique. Il est aussi l’auteur d’une fiction rédigée pendant la crise covidienne. Il travaille actuellement sur un projet relatant l’histoire de la construction de l’église Saint-Hippolyte qui fait la renommée de la municipalité de Rivière-au-Tonnerre située sur la Côte-Nord.