Le 28 février 1925, une secousse d’une magnitude de 6,2 sur l’échelle de Richter frappait la région du Kamouraska, ébranlant non seulement les bâtiments, mais aussi les esprits. Cent ans plus tard, Saint-André-de-Kamouraska a commémoré cet événement marquant par un banquet spécial, rappelant à quel point ce séisme a bouleversé la population.
« C’était le plus grand tremblement de terre du siècle au Québec. Il a été ressenti jusqu’à New York », explique le maire de Saint-André Gervais Darisse. D’abord localisé à Rivière-Ouelle, l’épicentre a été repositionné 30 ans plus tard sous l’île aux Lièvres, en face de Rivière-du-Loup. Un ajustement tardif qui pourrait justifier des excuses à Rivière-Ouelle, longtemps pointée du doigt comme la source de tous les malheurs.
Les pertes matérielles furent inégales. Rivière-Ouelle et Saint-Pacôme ont été les plus touchées, avec des cheminées effondrées, des réservoirs d’eau brisés, et des bâtiments endommagés. Rivière-du-Loup, curieusement, n’a subi que des dommages mineurs, sauf pour un établissement bien précis. « La Commission des liqueurs a payé le prix fort. Des centaines de bouteilles sont tombées, et ceux qui passaient par là ont assisté à un spectacle inoubliable », raconte M. Darisse.
Morts de peur
Au-delà des pertes matérielles, c’est l’impact psychologique du séisme qui a laissé une empreinte durable. « Des gens sont littéralement morts de peur, convaincus que la fin du monde était arrivée, rappelle le maire de Saint-André. Certains habitants ont fait venir en urgence les curés pour se confesser, d’autres ont pardonné de vieilles querelles et annulé des dettes, persuadés que leur dernière heure avait sonné. L’angoisse était telle que plusieurs personnes, en état de choc, ont succombé à des crises cardiaques. »
Parmi les tragédies les plus marquantes, celle d’une femme qui était en plein accouchement lors de la secousse. Prise de panique, elle a succombé peu après, tout comme son enfant. « C’est un drame qui illustre bien à quel point la peur a été dévastatrice », souligne M. Darisse.
Monuments funéraires retournés
Le cimetière de Rivière-Ouelle offre une image particulièrement frappante de cette nuit d’effroi : plusieurs monuments funéraires se sont retournés sur eux-mêmes, comme si une main invisible les avait déplacés. « Imaginez l’effet que ça a dû faire à ceux qui ont vu ça. On raconte que certains n’ont plus jamais osé s’approcher du cimetière après cette nuit-là », ajoute M. Darisse.

Pour souligner ce centenaire, un banquet commémoratif a eu lieu au Centre communautaire de Saint-André-de-Kamouraska, en présence de plusieurs élus et dignitaires. Le Dr Didier Perret, sismologue à la Commission géologique du Canada, a présenté une conférence sur l’événement, et sur les risques sismiques toujours présents dans la région.
« Il faut se souvenir de ce qui s’est passé, non seulement pour comprendre l’histoire, mais aussi pour se préparer à l’avenir », conclut M. Darisse, rappelant que le Québec enregistre encore aujourd’hui environ 450 secousses par année.
Un séisme marquant
Le tremblement de terre qui a frappé la région le 28 février 1925 en soirée a marqué les esprits. Il s’agit du plus puissant tremblement de terre à avoir été enregistré au Québec à cette époque. Maurice Lamontagne a colligé et rédigé un document qui présente des informations saisissantes sur l’événement.
« Les secousses ont été d’une rare violence », rapportent les journaux de l’époque. Le choc principal dure environ 30 secondes, suffisant pour provoquer des fissures dans le sol, endommager des édifices, et semer la panique parmi la population. Les répliques se poursuivent durant plusieurs jours, accentuant l’inquiétude des habitants.
Le document, accessible sur le site internet de Séismes Canada, précise que les secousses ont laissé des traces visibles, notamment sur des bâtiments historiques et des infrastructures fragiles. Les régions de Charlevoix, de Kamouraska et de La Malbaie ont subi des dommages notables : « des églises voient leurs clochers fissurés, des écoles et des maisons s’effondrent partiellement, tandis que des routes sont obstruées par des débris ».
Les journaux rapportent également des scènes de panique à Québec et à Montréal, où les immeubles tremblent violemment. Heureusement, aucune perte humaine directe n’est recensée, bien que plusieurs blessés soient signalés en raison de chutes d’objets ou d’effondrements partiels.
Un rapport colligé par Ernest J. Hodgson en 1950 trace avec précision les détails et impacts du tremblement de terre. À Sainte-Anne-de-la-Pocatière, les dégâts ont été généralisés : « La plupart des cheminées du village ont été renversées, des murs de brique ont été fissurés, et certaines maisons de bois ont été tordues sous la pression des secousses, lit-on. De plus, la chapelle du collège a subi des dommages notables, notamment la destruction des ornements en plâtre des piliers. Dans le cimetière, plusieurs monuments ont été renversés ou déplacés. »
Le rapport relate que Saint-Pacôme a également connu d’importants dommages. L’église a été fortement ébranlée, avec des fissures s’étendant sur l’ensemble de ses murs. Le rapport mentionne une anecdote saisissante : une statue aurait été projetée vers le haut, et aurait traversé un anneau de lampes avant de retomber. Les coûts de réparation de l’édifice religieux ont été estimés à 5000 $ à l’époque, une somme considérable.
Édifices abîmés et routes fracturées
À Rivière-Ouelle, l’intensité du séisme a laissé des traces visibles. « Une grande fissure s’est ouverte près de la route, parallèle à la rive du fleuve », rapporte le document. Mesurant plus de 100 pieds de longueur, et d’une profondeur de 20 pieds, cette fissure témoigne de la violence du tremblement de terre.
L’église du village a également subi des dommages, notamment au niveau du mur du transept ouest, nécessitant d’importantes réparations. Dans le cimetière, plusieurs pierres tombales ont été déplacées ou renversées, certaines même complètement couchées au sol.
Outre les dommages aux infrastructures, le tremblement de terre a eu un impact surprenant sur les ressources en eau. Plusieurs puits et sources dans le Kamouraska ont vu leur débit modifié. À Saint-Onésime, un puits s’est asséché, tandis qu’un autre est apparu non loin du presbytère. Un phénomène similaire a été observé à Kamouraska, où une nouvelle source d’eau a surgi à la suite du séisme.
Une mémoire toujours vivante
Aujourd’hui encore, la région de Charlevoix-Kamouraska reste sous surveillance pour prévenir d’éventuelles secousses. D’ailleurs, Saint-André et Rivière-Ouelle possèdent des sismographes qui présentent en direct l’activité sismique. Vous pouvez visionner le tout sur voyezlasecousse.ca.
