On a appris récemment que les deux Instituts de technologie agricole (ITA), situés à Saint-Hyacinthe et à La Pocatière, ne relèveraient plus directement du ministère de l’Agriculture, mais seraient fusionnés sous l’égide de nouvelles direction et administration autonomes, dont le siège social serait situé au campus de Saint-Hyacinthe. Du moment qu’on les fusionnait et qu’on les rendait autonomes du même souffle, il fallait s’attendre à ce qu’on en centralise la gestion quelque part au centre, au cœur de la bête.
C’est bien sûr un dur coup pour la région de Kamouraska, car l’ITA de La Pocatière est considéré par tous comme le noyau historique de cette institution d’enseignement et de recherche agricoles qui est un outil important de développement pour les agriculteurs et l’économie de l’Est-du-Québec et dont l’avenir se trouve ainsi fragilisé de nouveau. Mais c’était un combat perdu d’avance.
Le vrai problème est ailleurs, et le vrai combat devrait être ailleurs. Ce n’est pas un seul gros ITA indépendant qu’il nous fallait : ce sont des écoles d’agriculture autonomes dans toutes les régions, branchées sur une agriculture au service des Québécois. Au contraire, on a choisi de privilégier un seul gros campus branché sur la plus grosse région d’agriculture intensive.
Les manœuvres administratives en cours sont une démonstration de plus des conséquences désastreuses de la politique de privatisation et de centralisation qui continue à tout bulldozer au Québec, pas seulement les structures régionales, mais surtout la diversité des besoins et des modèles territoriaux.
Ce n’est pas seulement l’administration du nouvel ITAQ qu’on centralise dans le centre du Québec agricole : c’est l’agriculture elle-même, car, comme par hasard, les régions centrales du Québec (Montérégie—Centre-du-Québec) sont le paradis de l’agriculture intensive d’exportation et de l’avancée des banlieues. Plutôt que de doter chaque région d’un campus agricole autonome axé sur les particularités propres de l’agriculture régionale et sur l’autonomie alimentaire, on nivèle tout. On privilégie les déserts de maïs qui encerclent les nouveaux développements résidentiels — à peine différents des poulaillers, porcheries et silos à grains éparpillés dans le décor.
C’est une autre façon d’imposer à tous un modèle d’agriculture qui correspond de moins en moins à ce que les agriculteurs et les citoyens souhaitent : le modèle agricole de Bayer-Monsanto. C’est une porte ouverte de plus pour garantir aux grosses compagnies d’intrants qui savent si bien transformer le transfert des connaissances en modes d’emploi de leurs produits toxiques, « l’accès libre à la bergerie », comme l’a si bien expliqué l’agronome Louis Robert.
Tout se met en place, dans cet ITAQ indépendant et centralisé pour que l’enseignement, la recherche et le transfert des connaissances échappent plus que jamais au contrôle du ministère de l’Agriculture et ouvrent toutes grandes les portes aux grandes compagnies qui produisent et vendent les engrais, les pesticides, les semences et les équipements qu’exigent, selon elles, les productions intensives d’exportation. Ce faisant, on crée peut-être de la richesse, mais pour une poignée d’individus, plutôt que nourrir le Québec et vitaliser l’ensemble du territoire québécois, jusqu’à ses régions éloignées. Cette nouvelle campagne et d’agriculture industrielle, est-ce le Québec que nous souhaitons ?