ITAQ : Un climat tendu derrière le départ d’Aisha Issa ?

Aisha Issa. Archives Le Placoteux.

Dans le silence presque complet, la directrice générale de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) Aisha Issa a officiellement quitté son poste le 8 novembre. Sous le couvert de l’anonymat, des voix s’élèvent en coulisses pour remettre en doute les raisons de ce départ, et évoquer des démêlés avec le président du conseil d’administration.

Aucun communiqué de presse n’a été publié par l’ITAQ au sujet du départ d’Aisha Issa. Seul un avis de nomination annonçant sa successeure par intérim a été envoyé en fin de journée le 9 novembre. Une communication interne transférée au Placoteux le 8 novembre est ce qui a permis de diffuser l’information, en plus de l’avis de nomination publié le jour même par le conseil des ministres au sujet de Karine Mercier, officialisée directrice générale par intérim. « J’ai le plaisir de vous annoncer que j’occupe désormais le poste de directrice générale par intérim à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) », a écrit la principale intéressée sur son compte Linkedin, elle qui occupait depuis mars dernier le poste de directrice des programmes d’études et de l’enseignement de l’Institut.

Le lendemain, le 9 novembre, c’était au tour d’Aisha Issa de s’exprimer sur son changement d’emploi. « C’est avec joie et honneur que je poursuis mon travail au sein du cadre institutionnel du gouvernement du Québec en me joignant à l’honorable Liza Frulla de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. Je remercie toute l’équipe de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) ainsi que le conseil d’administration. C’est avec grande fierté que je mettrai à contribution mon expertise du domaine bioalimentaire, changements climatiques et réponses d’adaptation », a-t-elle écrit.

Climat tendu ?

Les raisons officielles entourant le départ d’Aisha Issa demeurent floues, mais certaines informations communiquées par des membres du personnel et d’autres partenaires gravitant autour de l’ITAQ suggèrent un climat tendu dans les derniers mois entre le président Alain Chalifoux et la directrice générale démissionnaire.

L’ensemble de ces propos, récoltés au lendemain du départ de la directrice générale, s’ajoute à ceux d’une lettre anonyme envoyée à votre hebdomadaire par Xpresspost, expédiée depuis Saint-Hyacinthe le 23 octobre dernier.

Cette missive fait également état d’une situation tendue entre le président de l’ITAQ et Aisha Issa, et du souhait de ce dernier de réduire les activités pédagogiques au campus de La Pocatière.

Parmi les événements recensés, mentionnons le rapatriement de certains programmes et activités du campus de La Pocatière vers celui de Saint-Hyacinthe, comme la production laitière et la transformation des aliments, ce à quoi Aisha Issa se serait opposée face au président lors de la réunion du conseil d’administration du 20 juin dernier.

À cela s’ajoute l’ouverture d’un nouvel AEC — sans préciser lequel — dont on estimait qu’il aurait des impacts positifs au campus pocatois, mais au sujet duquel Alain Chalifoux aurait manifesté de la résistance.

Le Placoteux a tenté en vain de discuter avec les personnes témoins de ces situations, dont les noms sont cités dans cette lettre anonyme. Votre hebdomadaire a également tenté de joindre Alain Chalifoux, mais ce dernier a décliné toute demande d’entrevue.

« Il n’est pas dans les habitudes de l’administration publique de commenter des allégations émanant de lettres anonymes. De fait, M. Chalifoux n’accordera pas d’entrevue à ce sujet », a répondu par courriel l’équipe des relations avec les médias du ministère du Conseil exécutif.

Réactions

Informé de la situation, le maire de La Pocatière, Vincent Bérubé n’a pas caché ses préoccupations. « Chaque fois que la direction change, ça amène toujours une certaine forme d’inquiétude. On va observer de près ce qui s’en vient, pour que les intérêts du campus de La Pocatière soient bien représentés, et que celui-ci demeure dans les plans de la future direction. »

Le député de Côte-du-Sud Mathieu Rivest a pour sa part avoué que l’ITAQ semblait bien en selle, au vu de la nature positive des communications qui en émanent, entre autres sur les médias sociaux. S’il a souhaité ne pas commenter les questions de régie interne de l’établissement, il reconnaît avoir entendu des échos de personnes travaillant à l’ITAQ souhaitant que les « choses aillent mieux ». « Je vais demeurer à l’affût de la situation, et je suis prêt à aider pour que les choses fonctionnent si jamais on m’interpelle en ce sens. »

Pascal-André Bisson, président du Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ), a également commenté la situation. Depuis le printemps dernier, Aisha Issa siège à ses côtés sur le conseil d’administration du CDBQ. « Les gens sur notre conseil d’administration ne représentent pas leurs organisations, elles sont là par intérêt pour le développement de notre mission. De facto, il n’en demeure pas moins qu’avoir quelqu’un de l’ITAQ sur notre conseil d’administration est intéressant. Nous allons laisser la poussière retombée et regarder avec Mme Issa si elle souhaite poursuivre son mandat auprès de nous. »

La nouvelle présidente de l’UPA du Bas-Saint-Laurent, Nathalie Lemieux, a pour sa part exprimé ses attentes à l’égard de la future direction générale de l’ITAQ. « Une proximité et une implication avec le milieu; une proximité avec la vie étudiante et le personnel de La Pocatière. Ce que nous souhaitons, c’est une vision d’avenir durable pour l’ITAQ à La Pocatière qui reflétera les besoins et les réalités agricoles de notre secteur. Nous voulons que l’Institut puisse former chez nous nos relèves agricoles et en bioalimentaire à partir d’outils et de technologies que nous retrouvons sur le marché du travail. »