La dernière décennie a connu un nouvel élan de mouvements féministes. Parmi les plus marquants en Occident, il y a eu les vagues de dénonciations contre les agressions sexuelles enclenchées par #MoiAussi. On se rappelle aussi la performance urbaine créée par un collectif chilien et reprise autour du globe, Un violador en tu camino (Un violeur sur ton chemin) qui décriait les féminicides et les violences sexuelles faites aux femmes. Pour en savoir plus sur le rôle du féminisme en 2023, Le Placoteux s’est entretenu avec Pascale Dumont-Bédard, coordonnatrice du Centre-femmes La Passerelle du Kamouraska.
Pour l’équipe de La Passerelle, dont la mission s’oriente autour du mot « solidarité », il ne manque pas de travail. Les enjeux concernant la condition féminine sur lesquels elle se penche sont nombreux. Entre autres, le centre intervient pour changer des lois discriminatoires envers les femmes, développer des ressources pour leur autonomie socioéconomique, et appuyer les revendications de celles appartenant à des communautés ethniques et autochtones.
Mais une des plus grandes préoccupations de Pascale Dumont-Bédard se trouve au niveau de la « montée de la colère en général, autant envers les femmes que toutes les minorités dans notre société. On sent que les relations saines, fondées sur le respect, l’équité et l’inclusion, prennent le bord. […] C’est comme si on avait perdu une partie de notre morale, en tant qu’humains; tout est permis, tout peut se dire, tout peut se faire. » Cette tendance, elle l’observe depuis environ trois ans.
Dans ce contexte, le rôle de La Passerelle serait de « renforcer une vision plus positive et inclusive […], autant pour les personnes vivant avec un handicap que celles vivant dans la pauvreté, ou encore celles qui sont en transition », affirme la coordonnatrice. Sa vision du féminisme incorpore le concept d’« intersectionnalité » qui, pour elle, est tout simplement un synonyme d’« inclusion ». La déconstruction des pensées discriminatoires est effectivement un travail quotidien, même pour les femmes vivant une différence — parfois, se sont elles qui s’excluent elles-mêmes.
Pascale Dumont-Bédard se dit également inquiète d’autres thèmes qui ont fait acte de présence dans l’actualité des dernières années, dont la remise en question de l’avortement. « Pour nous, ça a fait mal, déplore-t-elle. [Aussi], on ne comprend pas qu’on puisse banaliser le viol et la violence conjugale [en 2023]. Ça va à contresens de tout le travail qu’on a fait depuis 20 ans. »
La Passerelle en action
Tenant compte du volume considérable d’enjeux entourant la condition féminine et de son évolution constante, l’équipe de La Passerelle se forme en continu par le biais de L’R des centres de femmes du Québec, dont elle fait partie.
Pour mener sa mission, l’organisme divise ses actions en deux volets. D’abord, elle vise à briser l’isolement par l’émancipation; La Passerelle met des outils à la disposition des femmes consultant leur centre, et il revient à elles de choisir lesquels utiliser. Ensuite, l’équipe offre de l’accompagnement en cas de problématiques comme la violence conjugale. Que ce soit pour se rendre chez l’avocat, chez le notaire, ou encore en justice, l’organisme veut s’assurer que ces femmes « ne soient pas seules dans le processus ».
Le Centre-femmes du Kamouraska mène également des campagnes pour, par exemple, sensibiliser à la banalisation de la culture du viol et de la violence conjugale. D’autres projets, tels que l’accompagnement des femmes immigrantes, sont montés par ordre de priorité et selon le financement disponible. « Depuis les dernières années, on s’est rendu compte que les femmes immigrantes vivaient beaucoup d’exclusion sur différents paliers. Donc on s’est dit : “Qu’est-ce qu’on peut faire pour contrer ça?” On a monté un projet, on est allé chercher du financement, puis on a engagé une personne. » Ainsi, Karen Gutierrez s’est greffée à l’équipe en tant qu’agente à la mobilisation interculturelle.
Mais lorsqu’interrogée sur la possibilité que les organismes féministes puissent un jour devenir superflus, Mme Dumont-Bédard s’exclame « J’aimerais ça! », mais ne croit pas qu’elle verra ce jour-là de son vivant. « Que l’inclusion soit là au total, qu’il y ait l’acceptation et le non-jugement, ça serait merveilleux. Mais c’est difficile. »
Son message au lectorat du Placoteux, en cette Journée internationale des droits de la femme, est le suivant : « Soyons dans l’ouverture aux autres, dans la différence. C’est vraiment important. »