La Fine cantine Chez Mag de Sainte-Anne-de-la-Pocatière évitera le pire, mais la situation demeure tout de même crève-cœur. Dès le 14 juillet, le casse-croûte kamouraskois devra se départir d’un coup de cinq de ses employés, à son emploi depuis plus d’un an. La raison ? Ils ont moins de 14 ans.
Le chef et propriétaire Steve St-Pierre essaie de voir le bon côté des choses : quatre adolescents finissants du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière ont donné leur nom pour travailler à sa cantine cet été. Dans le contexte actuel du marché du travail, il ne peut que se réjouir.
« Ma conjointe et moi allons aussi travailler davantage pour être en mesure de rester ouverts sept jours sur sept pour les gens de la région et les touristes. Mais on aurait bien aimé pouvoir faire notre été avec nos jeunes déjà en place », raconte-t-il.
À sa première saison l’an dernier, la Fine cantine Chez Mag avait lancé une campagne de recrutement de personnel par le biais des boîtes aux lettres de la communauté. Cinq jeunes adolescents sur le point d’entamer leur première secondaire avaient répondu à l’appel des propriétaires, avec, bien entendu, le consentement de leurs parents.
Tout l’été, ils ont développé leur expertise en cuisine, une expérience si enrichissante qu’ils sont tous revenus à leur poste cette année.
Comme ces jeunes n’auront pas 14 ans le 1er juillet, ils devront être mis à pied le 14 juillet, soit deux semaines après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi encadrant le travail des enfants, adoptée le 1er juin dernier à l’Assemblée nationale.
« Au départ, on disait que la loi serait en vigueur à partir du 1er septembre. On est tombé des nues quand on a su que c’était si tôt. Comme nos jeunes sont à l’emploi depuis plus d’un an, on a donc le droit de leur fournir un préavis de 14 jours à partir de l’entrée en vigueur de la loi. Mais mettre un terme au lien d’emploi, ça nous attriste autant que les jeunes », poursuit Steve St-Pierre.
Parents déçus
Père de deux enfants travaillant à la Fine cantine Chez Mag, Carl Bossé s’est fait en quelque sorte le porte-parole de tous les parents des enfants concernés.
Son plus vieux, Charles, 15 ans, a l’âge d’y travailler cet été, mais il a récemment subi une opération qui l’en empêche. Son plus jeune, Hubert, 13 ans, a pleuré quand il a appris sa date de fin d’emploi.
« Ce n’était pas une corvée pour lui de travailler Chez Mag, il adorait ça. Ils n’étaient pas laissés à eux-mêmes, ils étaient constamment encadrés, c’était valorisant. Autrement, comme parent, je n’aurais jamais accepté », avoue-t-il.
L’adoption du projet de loi 19 se veut un pas de plus en faveur de la santé et de la sécurité au travail pour les enfants. Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale Jean Boulet y voit également une façon pour eux de se consacrer « à leur premier travail : être à l’école ».
Carl Bossé n’est pas contre la vertu, mais il estime qu’il est aussi de la responsabilité des parents d’y veiller. « La priorité numéro un de mes enfants, c’est l’école, ensuite le sport, et le travail en dernier. Ils vont à l’école de septembre à juin, ils font déjà du sport à longueur d’année, tout ce qu’il leur restait, c’était un travail saisonnier qui ne nuisait ni à l’un ni à l’autre. »
Une embûche de plus
Bien qu’aucun cas chez ses membres n’ait été porté à son attention, la directrice générale de la Chambre de commerce Kamouraska-L’Islet Nancy Dubé voit l’adoption de ce projet de loi comme « une embûche de plus » pour les entrepreneurs, en ces temps de pénurie de main-d’œuvre.
« En pleine saison touristique, dans notre région – surtout dans le domaine de la restauration – on peut comprendre que l’adoption aussi précoce de ce projet de loi soit un casse-tête de plus pour les entrepreneurs qui avaient déjà des jeunes de moins de 14 ans à leur emploi. »
Steve St-Pierre se console quant à lui en se disant que ses cinq jeunes pourront revenir à l’emploi l’été prochain, lorsqu’ils auront atteint l’âge légal de 14 ans. Le 14 juillet prochain, sa conjointe et lui souligneront leur départ de belle façon, sachant qu’il ne s’agit pas d’un adieu, mais seulement d’un au revoir.