Michel Harvey rayonne. Celui qui a accompagné les auditeurs de CHGB puis CHOX-FM au quotidien pendant près de 40 ans revient de loin. D’une retraite prématurée à la sobriété, l’ancien animateur de radio renoue depuis peu avec une de ses grandes passions, le théâtre, et s’apprête à fouler les planches de la Salle André-Gagnon dans une pièce de Molière qui doit être présentée incessamment.
Le départ des ondes de Michel Harvey n’était pas passé inaperçu il y a deux ans. Si le principal intéressé n’a pas souhaité revenir sur cet épisode difficile, il le voit néanmoins comme l’élément déclencheur de « sa chute » qui a suivi, quelques mois plus tard. « Ma fin de carrière précipitée, ç’a m’a fait tomber de haut. Je me disais : “Me semble que j’avais encore de bonnes jokes à dire, de bons entretiens à faire…” »
Pendant 45 ans, Michel Harvey a entretenu une relation intime avec la radio, ce médium qui l’a habité de la même façon qu’il l’a fait, en s’y dévouant corps et âme. À La Malbaie dans Charlevoix, à Saint-Pamphile, brièvement à Québec et pendant 38 ans à La Pocatière, seules les fréquences changeaient ou les auditeurs, mais le bonheur d’être derrière le micro, lui, demeurait toujours intact.
« Il y a une légende dans ma famille qui dit que la première radio de la maison est arrivée en 1954, l’année de ma naissance. Bref, pour ma famille, je suis venu au monde en même temps que la radio et c’est comme si elle ne m’avait pas quitté, comme si j’étais prédestiné. »
Quand le micro s’est éteint définitivement, le manque a donc été grand. Tranquillement, il s’est mis à s’enfoncer, sans en avoir réellement conscience. Sollicité au même moment par des amis pour joindre une production théâtrale, les répétions étaient comme un baume sur la douleur. Mais dès qu’elles prenaient fin l’isolement revenait et avec lui, l’alcool.
La première vague de la COVID s’est ensuite pointée. Les répétitions ont cessé et le projet théâtral, jusqu’alors sa bouée de sauvetage, a été mis sur la glace. L’isolement, avant volontaire, est devenu lui aussi « forcé ».
« J’étais dans le creux du fossé. Et là, un jour, je me suis réveillé et j’en ai pris conscience. Ma santé mentale, ma santé physique, ça ne marchait tout simplement plus. Je voulais, je devais m’en sortir et je savais que la tâche ne serait pas simple, mais je ne savais pas par où prendre ça. Je voyais ça inaccessible. »
Sa fille aînée, à qui il s’est confié, a fait preuve d’une sagesse incroyable, sagesse qui encore aujourd’hui l’impressionne. « Elle a été d’une écoute formidable. Comme parent, quand tu te confies à ton enfant qui est beaucoup plus jeune que toi et qui n’a pas le même vécu, tu ne t’attends pas à entendre autant de sérénité. Elle m’a dit : “On va prendre les choses une à la fois.” C’est ce qu’on a fait. »
La remontée
Visite chez le médecin, rencontre avec une travailleuse sociale, la longue remontée de Michel Harvey s’est entamée il y a environ un an. En décembre, après déjà trois mois d’abstinence, il débutait une thérapie de 21 jours à Sainte-Anne-des-Monts. Au sortir, le confinement et l’isolement qui l’accompagne se sont de nouveau imposés, mais leur apport a été salutaire.
« Ma santé physique et psychologique revenait et j’étais plus à l’écoute de moi-même. C’est comme si la thérapie s’était poursuivie. J’ai continué de prendre conscience de plusieurs choses. On sous-estime l’impact d’un paquet d’affaires qui nous arrivent durant notre vie. Il y a plein de choses qui nous atteignent et auxquelles on ne porte pas attention. Des belles comme des moins belles. »
Le projet théâtral sur la glace a ensuite été relancé. Les répétitions ont repris et Michel avoue être aujourd’hui mentalement en meilleure forme pour jouer. La pièce, une œuvre moins connue de Molière, mais non pas moins drôle, assure-t-il, doit être annoncée au grand public sous peu avec les dates de représentation.
« Mes premiers pas au théâtre, je les ai faits un peu par hasard, quand je suis arrivé à La Pocatière. Dès que j’ai foulé les planches pour la première fois dans L’Opéra de quat’sous, même si ce n’était qu’un p’tit rôle, j’ai eu la piqûre. J’ai participé ensuite à plusieurs productions, j’ai aussi fait du théâtre d’été et je me rends compte aujourd’hui la chance que j’ai eu de pouvoir faire ça, en région. Je trouve que ç’a bien complété l’ensemble de ma carrière en communication. »
Il y a quelques semaines, Michel Harvey a dépassé le cap d’un an de sobriété. S’il se considère toujours en remontée, il se sent maintenant mieux outillé pour la suite. « Je me trouve quand même chanceux. J’ai eu de bons appuis, de mes filles, de mes amis. Mon souhait est que les gens qui ont des difficultés ne se gênent pas pour dire que ça ne va pas bien. Et s’ils veulent que ça aille mieux, il faut qu’ils fassent les démarches pour. Quand je repense aux deux dernières années et comment je me suis retrouvé aussi bas, aujourd’hui, constater que j’ai réussi à me relever, c’est ce qui me rend le plus fier. »