La Pocatière : Les résidents du Quartier latin craignent sa dénaturalisation

Lucie Fauteux, Claire Martin, Gabrielle Sainte-Marie et son fils Emmanuel Collard, Jean Dumont et Claude Hudon. Photo : Maxime Paradis

Le Quartier latin de La Pocatière pourrait arborer un tout autre visage à court terme. La tenue incessante de travaux de pavage et de réfection des bordures de rue en son cœur fait craindre aux résidents une dénaturalisation complète du secteur, où s’épanouissent depuis plusieurs décennies plantes, arbustes et arbres matures dans la zone d’intervention annoncée.

S’ils avaient le choix entre l’asphalte et le béton, et ce qu’ils considèrent comme leur patrimoine horticole, les résidents de la 3e rue Fraser choisiraient assurément la verdure.

Des travaux sur leur rue, annoncés par lettre à la mi-juin, font maintenant craindre le pire, car la Ville de La Pocatière doit permettre à l’entrepreneur d’empiéter sur l’équivalent d’un pied de chaque côté de la chaussée.

Le Quartier latin est le plus vieux de tout La Pocatière. L’espace de dégagement devant les résidences est limité et, dans pratiquement tous les cas, aménagé.

Pour quatre propriétaires du secteur – Jean Dumont, Lucie Fauteux, Claire Martin et Gabrielle Sainte-Marie –, habitant tous au carrefour de la 3e rue Fraser et de la 3e avenue De Guise, cela signifie qu’ils devront émonder leurs arbres matures, voire les couper dans certains cas, défaire une partie de leurs aménagements paysagers, déplacer leurs haies d’arbustes, ou encore croiser les doigts pour ne pas se faire abîmer leur galerie, qui fait le coin de leur maison à moins d’un jet de pierre de la rue.

« On a fait entendre nos doléances à la Ville. Le maire et des employés sont venus sur place constater la situation. Les communications qu’on a reçues par la suite ne nous ont pas donné l’impression qu’on allait tenir compte des particularités de notre quartier. On sent qu’on veut nous traiter comme tout le monde ailleurs en ville », a expliqué Lucie Fauteux, qui est à l’origine de la mobilisation de 13 autres propriétaires du secteur souhaitant en savoir davantage sur l’impact de ces travaux pour leur quartier.

Un quartier atypique

Dans une communication datée du 23 juin dernier, et envoyée à la suite de la visite du maire et des deux employés municipaux, la Ville de La Pocatière dit devoir composer « avec des impératifs de sécurité routière importants », sans préciser lesquels, afin de justifier les travaux prévus.

Le maire Vincent Bérubé rappelle dans cette même lettre l’article 3.3.5 de la Ville sur les clôtures, murs et haies, qui stipule que celles-ci « doivent être plantées de façon à ce que toute extrémité […] soit située à au moins 0,60 m ou plus de la ligne d’emprise de rue, et à un mètre du trottoir ou d’une borne-fontaine », ce qui de toute évidence n’est pas respecté sur la 3e rue Fraser.

Doyen du quartier, Jean Dumont est en mesure de l’expliquer. Né dans la maison où il habite toujours aujourd’hui, il a été témoin des travaux d’aqueduc et d’égout réalisés au début des années 1960. Selon lui, ces travaux effectués à l’époque expliquent les particularités du quartier qui posent problème aux yeux de la réglementation municipale actuelle.

« Les rues ont été élargies, au point où aujourd’hui, mon terrain borne en plein milieu de la rue. C’est la Ville qui est chez moi, pas le contraire! », s’exclame-t-il en pointant la borne, bien visible au cœur de l’intersection de la 3e rue Fraser et de la 3e avenue De Guise.

Il enchaîne ensuite en parlant de la haie de Lucie Fauteux, qui était jadis séparée de la rue « par un bon trois pieds ». Il évoque après coup les anciennes marches en béton de la maison de Gabrielle Sainte-Marie, toujours visibles, qui « ne commençaient pas non plus à la bordure de rue ».

Sa voisine de biais, Claire Martin, renchérit, elle qui habite aujourd’hui la maison de Louise Ouellet, lauréate en 2019 d’un des trois prix coups de cœur du concours Je fleuris, La Pocatière s’embellit!

Inchangées depuis, ses platebandes risquent d’être les plus endommagées par les travaux prévus. « C’est complètement insensé », poursuit la nouvelle propriétaire, faisant par le fait même la démonstration de l’incohérence de la Ville de La Pocatière dans l’application de son propre règlement.

Moratoire demandé

Devant une Ville inflexible face à leurs revendications récentes, ces quatre résidents du Quartier latin se sentent maintenant livrés à eux-mêmes dans la protection qu’ils souhaiteraient pour leur patrimoine horticole lors des travaux.

Tout aussi préoccupé, un de leurs voisins sur la 3e avenue De Guise, Claude Hudon, en est même à appréhender le moment où le tour sera venu de sa propre rue.

La plus récente communication envoyée par la Ville de La Pocatière à tous ses citoyens n’a aussi rien pour susciter l’espoir de ces résidents.

Celle-ci rappelle entre autres les amendes applicables après le 14 juillet à ceux qui ne se seront pas conformés au règlement municipal sur les clôtures, murs et haies, ce qui vient en quelque sorte sonner le glas d’un réaménagement identique des terrains sur la 3e rue Fraser, une fois les travaux complétés.

« Ces travaux ne pressent pas », ajoute Jean Dumont, qui rappelle que les infrastructures souterraines ne seront même pas remplacées. Gabrielle Sainte-Marie est du même avis. Elle estime par ailleurs que la Ville de La Pocatière aurait dû consulter les résidents du secteur avant de lancer son appel d’offres.

« Il faudrait un moratoire. Ça nous donnerait au moins le temps de réfléchir à des solutions pour sauver ce qui peut l’être, alors que là, il est minuit moins une et on est incapable de nous dire quand les entrepreneurs débarqueront », conclut-elle.

Jean Dumont sur sa galerie, en bordure de la 3e rue Fraser. Photo : Maxime Paradis
Lucie Fauteux devant sa haie qui longe la 3e rue Fraser. Photo : Maxime Paradis
Claire Martin et l’aménagement paysager devant sa maison. Photo : Maxime Paradis
Gabrielle Sainte-Marie et son fils Emmanuel Collard, avec en arrière-plan l’aménagement paysager devant sa maison. Photo : Maxime Paradis