La première politique de l’arbre voit le jour au Kamouraska

Émélie Lapierre et Vincent Bérubé. Photo : Maxime Paradis

Souvent critiquée pour sa gestion jugée déficiente des boisés en milieu urbain, la Ville de La Pocatière dévoile sa politique de l’arbre, la toute première du genre au Kamouraska. Attendues depuis longtemps, les diverses orientations promettent une petite révolution dans la gestion du patrimoine forestier du territoire pocatois.

La Ville de La Pocatière a l’habitude d’être pointée du doigt lorsqu’il s’agit de protéger ses boisés urbains, ou encore les divers aménagements paysagers et forestiers de son territoire. À plusieurs reprises depuis trois ans, des mobilisations citoyennes ont été observées en ce sens, plaçant chaque fois les élus municipaux dans l’embarras médiatique sur ces questions.

Fraîchement élu à l’automne 2021, le maire Vincent Bérubé se trouvait au cœur d’une petite controverse en lien avec le déboisement jugé sauvage d’une partie du terrain où se trouve désormais la résidence pour aînés des Bâtisseurs. À l’été 2023, c’était au tour des résidents du Quartier latin de reprocher le manque de considération de la Ville à l’égard de leur patrimoine horticole. L’automne dernier, le comité environnement du cégep de La Pocatière, Le Vert Tige, réclamait par lettre la protection de 80 % des espaces sauvages situés dans les limites de la ville, notamment la montagne du Collège.

Apprendre de ses erreurs

La Pocatière a-t-elle depuis appris de ses erreurs? Seul le temps le dira, mais la volonté de faire mieux semble au rendez-vous. Le texte de la politique de l’arbre a été adopté le 15 janvier dernier lors de la séance du conseil municipal. Un plan d’action sur cinq ans accompagne la politique, et un budget de 30 000 $ pour la première année a été débloqué.

Trois autres objectifs sont aussi poursuivis par la démarche : protéger et entretenir le patrimoine arboré; augmenter la résilience de la communauté face à l’évolution du climat; sensibiliser et impliquer la communauté aux enjeux de la forêt urbaine. « On s’est inspiré de certaines villes comme Victoriaville et Rivière-du-Loup pour notre politique. Au Kamouraska, je peux dire qu’on fait office de précurseurs », déclare Vincent Bérubé, convaincu de s’inscrire dans une mouvance à l’échelle québécoise.

À sa première entrevue comme nouveau maire, ce dernier avait reconnu que le défi de son premier mandat serait de savoir conjuguer développement économique et protection de l’environnement. Au même moment, alors que la politique de l’arbre mijotait en coulisse, de nouvelles orientations quant aux aménagements horticoles de la Ville, maintenant axés davantage vers les arbres que vers les fleurs annuelles, laissaient entrevoir vers quoi La Pocatière cherchait à tendre.

En octobre dernier, la Ville répondait positivement à la demande d’une citoyenne qui souhaitait voir ériger un mur d’arbres dans les bretelles de la sortie 439 de l’autoroute 20, afin de couper le bruit à la Maison du Kamouraska. Le projet, qui prévoit la plantation de plus de 1300 arbres, sera réalisé dans la prochaine année en collaboration avec Arbre-Évolution. Environ 13 000 $ provenant du programme de reboisement social de cette coopérative de L’Islet permettront la réalisation de cette plantation, la seconde du genre menée par La Pocatière sur son territoire, la première ayant été réalisée en 2018 au nouveau parc industriel Charles-Eugène-Bouchard.

Tout n’est donc pas noir sur le plan forestier à La Pocatière, bien que l’ombre ne soit pas encore quelque chose de suffisamment présent sur le territoire de la ville, comme en témoigne l’indice de canopée [NDLR Pourcentage de la superficie occupée par la couverture procurée par la cime des arbres sur la superficie de l’ensemble du territoire]. Jusqu’à maintenant, les différents cabourons — notamment la montagne du Collège— portent pratiquement à eux seuls le couvert forestier de la ville. Au total, l’indice de canopée s’élève à 24,1 % dans la zone urbaine.

« L’objectif idéal serait d’atteindre 30 %. Mais si ce n’était pas des cabourons, on serait à peine à 15 % », reconnaît Émélie Lapierre, coordonnatrice des services horticoles à la Ville de La Pocatière.

Donner l’exemple

Les îlots de chaleur, ennemis jurés des villes en cette époque de changements climatiques, sont omniprésents à La Pocatière. Centre La Pocatière, Carrefour La Pocatière, Alstom, 4e Avenue Painchaud, les grands stationnements et les principales artères de la ville sont de véritables aimants à chaleur en saison estivale.

Avant de pointer quiconque du doigt, la Ville de La Pocatière veut donner l’exemple. À l’interne, elle veut établir un plan cyclique d’entretien des arbres municipaux, en plus de réfléchir au réaménagement du stationnement du Centre Bombardier, dans la foulée de son projet de Complexe multisports dans l’ancien aréna.

À courte échéance, dans la cadre du projet de réfection de la 4e Avenue Painchaud, des arbres seront aussi ajoutés sur son parcours, au grand dam de certains commerçants qui devront se résigner à voir disparaître des espaces de stationnement. Et pour les centres commerciaux?

« Ils bénéficient de droits acquis pour le moment, mais lorsqu’ils feront des travaux, ils devront se conformer à la nouvelle réglementation, et planter des arbres », a reconnu le maire, du bout des lèvres.

Ce nouveau règlement et bien d’autres seront communiqués en temps et lieu par la Ville. La politique de l’arbre ayant été travaillée en parallèle de la refonte des règlements urbanistiques, elle s’inscrirait en parfaite cohérence avec ceux-ci. « On veut plus accompagner qu’être coercitif », assure Émélie Lapierre.

Des fiches techniques faisant la promotion de bonnes techniques de plantation et d’entretien doivent d’ailleurs être envoyées aux Pocatois cette année, première étape du plan d’action de cinq ans. La distribution d’arbres aux citoyens, sur les rues où les îlots de chaleur sont plus importants, est aussi dans les plans. Quant au lancement officiel de la politique de l’arbre, la Ville de La Pocatière envisage mai prochain, mois de l’arbre et des forêts.

Carte des îlots de chaleur. Source : Institut national de santé publique du Québec