Coûts inutiles, gaspillage de temps et de main-d’œuvre, défis logistiques, risques de poursuites, les microbrasseries du Québec lancent la campagne Timbrer, c’est timbré!, car elles sont exaspérées de devoir composer avec un système qu’elles jugent d’une autre époque, et qui entraverait inutilement leurs activités. Les microbrasseries interpellent ainsi le gouvernement du Québec afin qu’il abolisse définitivement l’obligation d’apposer un timbre de droit sur les bières vendues dans les bars et restaurants.
Au cours des prochaines semaines, différentes actions de communication seront déployées — dans les médias traditionnels et numériques, mais aussi à travers le réseau des microbrasseries — afin de sensibiliser le grand public et les décideurs aux irritants majeurs causés par ce système dit archaïque qui date, rappelons-le, de 1971. Des timbres aux couleurs de la campagne Timbrer, c’est timbré! seront notamment apposés sur les bières de microbrasserie vendues pour consommation sur place (CSP).
Perte de productivité… et poursuites abusives
Le cadre réglementaire actuel exige que les microbrasseries apposent un timbre de droit sur toutes les bières vendues pour CSP (bars, restaurants, etc.), mais pas sur les bières vendues pour consommation à domicile (épiceries, dépanneurs, etc.). Le Québec est d’ailleurs la seule province canadienne à utiliser un tel système, qui impose aux microbrasseries de tenir inutilement deux réserves de bières.
« En 2018, tous les partis politiques, y compris la Coalition avenir Québec, ont voté pour l’abolition du timbre de droit par l’adoption du projet de loi 170. Malheureusement, après son arrivée au pouvoir, la CAQ a fait volte-face et a renvoyé cet engagement aux calendes grecques. Aujourd’hui, les microbrasseries du Québec demandent au gouvernement de respecter sa parole et la volonté de l’Assemblée nationale », a souligné le président du conseil d’administration de l’Association des microbrasseries du Québec, Jean-François Nellis.
Dans plusieurs entreprises, des employés doivent être mobilisés pendant des heures pour apposer manuellement des milliers d’autocollants sur des canettes ou des bouteilles. Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre et de ralentissement économique, cette perte de productivité devient parfois insoutenable pour les microbrasseries du Québec.
De plus, certaines erreurs de manipulation se produisent malencontreusement, de sorte que les microbrasseurs reçoivent des amendes pouvant dépasser les 5000 $, alors que le milieu subit les contrecoups de la situation économique qui prévaut actuellement au Québec. En effet, une microbrasserie qui omet d’apposer un timbre sur une bière vendue pour CSP s’expose à des amendes allant de 500 $ à 7500 $.
« La situation mène à des poursuites abusives, alors que plusieurs “infractions” sont dans les faits de simples erreurs humaines commises par un acteur de la chaîne de distribution. C’est exactement ce qui nous est arrivé à notre microbrasserie. Je dois présentement aller devant le juge pour contester une amende de 6500 $, alors que j’ai déjà payé les taxes sur mes produits », a expliqué au Placoteux Alexandre Caron, copropriétaire de la microbrasserie Ras L’Bock, située à Saint-Jean-Port-Joli.
L’AMBQ rappelle que le gouvernement a rendu obligatoire l’utilisation d’un module d’enregistrement des ventes (MEV) pour tous les restaurants et les bars du Québec. Connectés en permanence aux serveurs de Revenu Québec, les MEV enregistrent les transactions dès qu’elles se produisent, et conservent leur historique pour des raisons de vérification, ce qui empêche toute fraude potentielle. Le gouvernement posséderait donc un moyen efficace, reconnu et déjà utilisé partout pour effectuer des vérifications, assurer la traçabilité des produits, et éviter que des bières soient acquises illégalement.
« On ne comprend pas pourquoi le gouvernement n’applique pas ce qui a été voté unanimement par l’Assemblée nationale. Évidemment, les perdants seraient les grands brasseurs qui vendent plus cher leurs produits, avec souvent une entente d’exclusivité pour les bars et restaurants. D’ailleurs, les microbrasseries n’ont pas les moyens d’avoir deux réserves comme les grands brasseurs. Il s’agit vraiment d’une législation d’une autre époque! », a conclu M. Caron.