Le mélange des cultures

Photo : Rajiv Perera (Unsplash.com)

Le mélange des cultures est sans aucun doute un des phénomènes marquants du monde moderne. La mondialisation a généré un échange continuel entre les groupes humains, et fait éclater les sociétés nationales homogènes d’autrefois.

Tout le monde, aujourd’hui, parle de la nécessité de s’ouvrir à l’autre et de sortir d’un nationalisme fermé aux étrangers. On dénonce un peu partout les comportements xénophobes, ou racistes, ou passéistes. Les débats que suscite cette montée de la diversité sont particulièrement sensibles au Québec, qui est une petite société distincte dans un océan anglophone, donc très vulnérable.

Face à cette montée de la diversité, nous avons affaire à diverses réactions.

Le nationalisme ethnique

La première est celle qui prône le refus, le repli sur nous-mêmes, sur l’identité traditionnelle : les Québécois de souche, comme on dit. C’est ce qu’on appelle le nationalisme ethnique, qui peut parfois donner lieu à une certaine xénophobie (peur des étrangers) et même à un certain racisme. C’est ce qu’on appelle la droite nationaliste ethnique.

L’antinationalisme

La deuxième, à l’opposé, est celle qui opte pour la promotion inconditionnelle de la diversité, des groupes ethniques ou culturels, en réaction à toutes les formes de racisme et de discrimination dans notre société. Une partie importante de la gauche traditionnelle a délaissé la lutte contre les injustices sociales subies par les travailleurs et les défavorisés pour se consacrer à la défense des groupes ethniques ou culturels qu’on estime « racisés », et donc discriminés : les Noirs, les immigrants, les femmes, les Autochtones, les minorités sexuelles. Pour eux, le Québec, comme toutes les sociétés blanches, est coupable de racisme systémique, c’est-à-dire un racisme inséparable de la société blanche patriarcale et colonisatrice. On aboutit à une sorte de racisme inversé. C’est dans cette mouvance que se situe l’idéologie qu’on appelle « woke », qui veut dire « éveillé » au racisme systémique de la société blanche. Pour eux, le nationalisme est toujours suspect et teinté d’un certain racisme.

Le nationalisme citoyen

Une troisième attitude — celle de la grande majorité des Québécois, je pense, et celle que je préconise pour ma part — accepte la diversité et reconnaît l’existence d’injustices, de discrimination, et même de racisme envers les minorités, et est d’accord pour leur permettre de prendre leur place dignement dans la vie collective. C’est une révolution importante à faire dans nos mentalités et nos institutions. Mais cela doit et peut se faire sans nous dresser les uns contre les autres, et sans nier l’identité et la nation québécoises ni en fragiliser encore davantage l’avenir. Nous devons et nous pouvons trouver la façon d’intégrer positivement cette diversité et ces minorités sans nous nier nous-mêmes, comme on a su le faire dans le passé avec les Premières Nations, les Irlandais et tous les néo-Québécois. L’identité d’un peuple est essentielle à sa survie. Entre le repli identitaire et le délire diversitaire qu’on observe présentement, un autre Québec est possible, et c’est la notion de citoyenneté bien comprise qui peut nous fournir le mythe fondateur de ce Québec de l’avenir. Il peut exister un nationalisme citoyen.

La citoyenneté, c’est ce qui fait que tous les citoyens du Québec sont égaux en droit, et appelés à partager et enrichir l’identité nationale québécoise sans pour autant renier leur origine. Et la citoyenneté québécoise — ce qui distingue un Québécois d’un Américain, ou d’un Italien, ou d’un Français — c’est un pays, un territoire, une histoire, une langue et une culture, un attachement aux principes de la souveraineté du peuple et de l’égalité de tous, de la laïcité de l’État et de l’éducation, une solidarité sociale exceptionnelle, une joie de vivre proverbiale, et enfin, un désir légitime d’émancipation politique et de souveraineté nationale. Dans ce contexte, on comprend que la francisation des immigrants soit essentielle pour l’avenir de la citoyenneté québécoise : sans le lien commun de sa langue d’origine, le Québec ne serait bientôt qu’une province canadienne ou un état américain comme les autres. On peut appeler ce type de nationalisme le nationalisme citoyen, et il n’a rien de raciste ni de fasciste : c’est simplement l’enracinement naturel et essentiel d’un peuple.