Notre nouveau conseil municipal sera-t-il ouvert à l’importance de ne pas toujours faire rimer développement avec déboisement, comme par le passé ? Se préoccupera-t-il de réaliser un premier inventaire de son patrimoine boisé ? Cherchera-t-il à se fixer une cible de protection à long terme ? Je suis convaincu que les citoyens sont prêts pour un virage en ce sens. En attendant, à La Pocatière, les seuls boisés protégés sont les zones non constructibles.
Les règlements de la Ville ne lui donnent malheureusement que peu de mordant dans la protection des boisés. Jusqu’à maintenant, elle n’a pas pris en compte la notion de corridors boisés, comme on peut le constater en ce moment avec la construction de 216 unités locatives des Bâtisseurs, à l’est de l’hôpital. Ce projet crée déjà une large trouée dans la lisière boisée de l’ancienne villa Saint-Jean et dégage la vue jusqu’à la polyvalente. Une fois ces unités vendues, la 2e phase du projet élargira du double cette trouée.
Pourtant, les bienfaits des boisés et corridors urbains ne sont plus à démontrer : de partout des voix s’élèvent pour cibler leur protection comme élément central de la lutte contre le réchauffement climatique.
Or, la Ville désire profiter du marché immobilier en effervescence. Sous le mandat du maire sortant, la Ville a même acquis 30 terrains sur la 132, coincés entre la rue du Verger et la montagne du Collège. Le nouveau conseil hérite donc d’une ville de La Pocatière passée carrément dans le camp des promoteurs immobiliers…
Une fois ces 30 terrains vendus, rien n’empêchera le Collège Sainte-Anne, toujours à l’affût de nouveaux revenus, de se départir de plusieurs autres de ses lots au nord de la montagne, comme il vient de le faire du côté sud. Ou à la Ville de demander le dézonage de ces terres agricoles pour permettre l’expansion vers l’est de la zone industrielle du parc de l’Innovation. À partir de là, notre plus majestueux cabouron serait à jamais enclavé, encerclé, corseté par le développement. Comme si notre si belle montagne était si laide qu’il faille absolument la cacher derrière des constructions sans cesse plus envahissantes !
À l’est du nouvel escalier donnant accès à la montagne du Collège, le dernier secteur encore boisé l’a échappé belle. Son acquéreur, Moisson Kamouraska, ne construira que sur une parcelle, conservant le reste tel quel ou le transformant en verger et en jardin nourricier.
Rêver ensemble
Notre ancien maire, dans l’article du Placoteux « La vie après la politique », confiait avoir acquis deux terrains boisés totalisant 30 000 mètres carrés le long de la rivière Saint-Jean pour « permettre à la nature de reprendre ses droits ». Cette « oasis bien camouflée » lui procure une grande sérénité, rapporte le journaliste. Comme bien peu de citoyens, il pourra arpenter cette rivière et « s’y amuser jusqu’à la fin de ses jours » au cœur des mille arbres qu’il a plantés. Rares sont ceux qui pourront jouir d’un tel privilège avant de mourir, le développement n’épargnant pas leur cour arrière. Voilà pourquoi il est impératif de collectiviser les boisés urbains qui restent…
Un espoir demeure : dans les années 1990, le comité de développement avait commencé à préserver une lisière boisée le long de ce cours d’eau. Le conseil a par la suite abandonné l’idée de la transformer en parc riverain qui permettrait à tous les citoyens de longer la rivière, au moins du boulevard Desrochers à la 1re rue Poiré. Pourtant, il n’est pas trop tard : la lisière demeure intacte. On peut donc rêver que le nouveau conseil choisisse de collectiviser et de pérenniser cette richesse inestimable.
On peut aussi espérer qu’un jour, les autres cabourons privés de la ville, comme la montagne de l’Ours, la montagne du Nord, la montagne Pointue et la montagne Ronde soient intégrés dans le prolongement des sentiers de leur grande sœur, la montagne du Collège. D’autant plus que rien ne les protège d’un développement immobilier à long terme : une éventuelle extension du périmètre d’urbanisation pourrait inclure un lotissement vantant la très lucrative « belle vue sur le fleuve ».
Si les Pocatois et leur conseil baissent la garde, morceau par morceau, bouchée par bouchée, parcelle par parcelle, les prédateurs de territoire finiront bien par venir à bout des rares boisés de La Pocatière. Pensons-y bien : tous ces îlots de fraîcheur en moins constitueront chaque fois une perte absolue, permanente et irréversible.
À nous de talonner les membres du conseil pour qu’ils veillent au grain. Pour suivre le dossier, rejoignez le groupe Facebook « Protéger les beautés du Kamouraska ».
Jean-François Vallée, La Pocatière