L’illusion de l’auto électrique

Photo : CHUTTERSNAP (Unsplash.com)

Toute la société semble s’être donné le mot pour nous convaincre que l’auto électrique est l’invention qui va nous permettre de sortir du pétrole et d’éviter les affres du réchauffement du climat, sans nous priver pour autant de notre « char ». Les transports collectifs ne viennent que comme complément et concession aux environnementalistes. Tant et si bien qu’il y a lieu de s’interroger sur ce mythe de l’auto électrique.

L’auto électrique n’émet pas ou peu de GES, mais elle est loin d’être carboneutre si on la considère depuis sa fabrication jusqu’à son retrait de la circulation. L’auto électrique demeure ce qu’elle est : une auto individuelle. Elle exige des matériaux rares, des routes, des ponts et des tunnels.

De plus, son implantation marque une nouvelle étape dans l’exploitation de matériaux et de minerais rares et non renouvelables, souvent en milieux humains ou fragiles. Les projets de mines de lithium et de graphite se multiplient à la Baie-James, dans les Laurentides, en Outaouais et dans les Cantons-de-l’Est, mais ces mines n’auront qu’une vie de 20 ou 30 ans. Et après?

Sophie Brochu avait à peine tourné le dos que le gouvernement Legault, son ministre Fitzgibbon en tête, lançait le mégaensemble industriel de la pile électrique à Bécancour, un projet digne des grands chantiers de la Côte-Nord dans les années soixante, pouvant attirer des dizaines de milliers de travailleurs, et cela, grâce à notre énergie électrique et à nos ressources minérales. Les nouvelles « Forges du Saint-Maurice » en quelque sorte, ou le « Dollarama de l’énergie à bon marché ». Notre énergie électrique est notre grande richesse : il faut apprendre à nous en servir sagement.

Tout cela fait évidemment l’affaire des grandes compagnies pétrolières et automobiles qui y trouvent une façon de recycler leurs milliards. Il faut comprendre que l’auto, le camionnage, l’aviation sont au cœur de notre mode de vie, de l’organisation de l’économie mondiale, et de l’aménagement de notre territoire. L’auto individuelle est le symbole de la réussite, de la liberté, et si l’on se fie à la publicité, elle est l’outil indispensable pour aller dans la nature. L’électrification des transports peut certes diminuer nos émissions de GES, mais elle nous engage du même coup dans un nouveau cycle d’extraction de ressources non renouvelables et de dépenses d’énergie sans limites, au détriment de l’ensemble de notre environnement.

Or, on le sait depuis le rapport du Club de Rome en 1972, le drame qui nous pend sur la tête, c’est que notre planète limitée, relativement petite et fragile, ne pourra pas soutenir encore longtemps une croissance et un développement illimités. Selon tous les experts, nous sommes même parvenus à la limite d’une désorganisation du climat et des écosystèmes nécessaires à notre bien-être, et même à notre survie comme espèce.

Face à ce tableau, il est évident que l’auto électrique et l’électrification généralisée des transports – exception faite des transports collectifs –, loin de constituer une solution à long terme à la crise environnementale, sont carrément une illusion et un faux espoir. Pour l’avenir de nos enfants, il va falloir accepter de modifier profondément nos modes de vie, notre façon de consommer de l’énergie, notre façon d’habiter le territoire et de nous déplacer, notre idée même du bonheur.

Il ne fait pas de doute qu’il faut viser à développer des communautés de plus en plus autosuffisantes, où les citoyens auront de moins en moins besoin de se déplacer sur de grandes distances, et pourront le faire grâce à un réseau de transport collectif carboneutre.  Pourquoi pas un train Express-Québec qui relierait toutes les régions du Québec, y compris le Nunavik et la Baie-James, pour lequel des études préliminaires existent d’ailleurs?