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Mgr Bertrand Blanchet (1932-2025): Le partage d’une vie

Fils de notre diocèse, évêque de Gaspé puis archevêque de Rimouski, résident du Collège Sainte-Anne, Mgr Bertrand Blanchet nous laisse le souvenir d’un homme simple et spirituel.

Nous avons saisi l’occasion du cinquantième anniversaire de son ordination épiscopale pour de nous asseoir avec lui l’an dernier et revenir sur sa jeunesse, sa vocation précoce, ses études en biologie et en théologie, son ministère de professeur, puis son élévation à l’épiscopat en 1973.

À travers ses souvenirs, il s’est ouvert sur la spiritualité et son expérience de pasteur au cours des décennies qui ont suivi le concile Vatican II.

Né dans une famille catholique traditionnelle, Mgr Blanchet connaît dès l’enfance un lien intime avec Jésus grâce aux chants et prières de sa mère. Inspiré par son oncle prêtre, il décide tôt de le suivre dans le sacerdoce. Ses études secondaires au collège sont marquées par la piété quotidienne.

En biologie universitaire, il découvre que la science renforce sa foi en rendant compte de l’ordre, de la beauté et de l’intelligence du vivant. Fin connaisseur des oiseaux, peu de gens savent qu’il savait en imiter le chant de plusieurs espèces en sifflant.

Ordonné prêtre, il enseigne au collège avant d’entreprendre un doctorat. Cet épisode le divise entre les implications de l’évolutionnisme et le récit biblique de la Création. Il réalise que la dimension spirituelle du vivant dépasse selon lui le simple hasard. Sa foi s’en trouve confortée.

Surpris par sa nomination épiscopale, il accepte par obéissance ce lourd fardeau. Installé à Gaspé, il se sent soutenu par l’accueil bienveillant de son clergé et des fidèles. Les rituels de l’ordination ouvrent à sa mission une dimension profondément symbolique.

Dans l’esprit du concile, Mgr Blanchet conçoit son ministère comme chemin de sainteté. Sillonnant son vaste diocèse, il rencontre les communautés, prêche, confirme des milliers de jeunes, s’implique dans les enjeux sociaux. Bien que souvent absent, il croit en avoir retiré un approfondissement spirituel à travers l’Eucharistie et la Parole.

Il souligne l’importance de marcher avec les autres tout en étant tourné vers Dieu, à l’image de Jésus. Sa priorité aux rencontres humaines s’inspire de l’attention du Christ aux foules. Transféré à Rimouski, puis retraité, il continue d’accompagner les communautés religieuses.

À la lumière de son itinéraire, Mgr Blanchet invite les pasteurs — mais aussi toute personne — à trouver la sainteté dans l’exercice loyal de leurs fonctions. Il souligne comment sa foi a été balisée tout au long du chemin par des personnes, des événements, des lectures qui l’ont rapproché du Christ. Dès l’enfance, Dieu est entré dans sa vie par l’amour.

Mgr Blanchet évoque sa période de grand séminaire comme un temps de « désert » spirituel intense, centré sur la prière, la Bible et la théologie. C’est là que la nécessité de ne pas laisser son ministère nuire à sa vie intérieure s’est imposée.

Au début de son épiscopat, une religieuse lui pose une question cruciale : est-il personnellement intéressé à vivre l’Année Sainte qu’il projette pour les fidèles ? Cela l’invite alors à ne proposer que ce qui nourrit sa propre marche.

Dans ses rencontres pastorales, il accorde une place importante aux jeunes, notamment lors des célébrations de confirmation au printemps. Ces moments dans la nature l’inspirent et l’aident à croire en l’avenir.

Mgr Blanchet s’est interrogé sur sa capacité à trouver la sainteté au milieu de son emploi du temps très chargé d’évêque, comportant beaucoup de déplacements, de réunions et d’activités pastorales. Il a exprimé plusieurs pistes de réflexion au cours de notre entretien :

Bien que fréquemment hors de chez lui, il estime que ses activités pastorales l’ont spirituellement nourri à travers les milliers d’homélies qu’il a préparées et les célébrations eucharistiques qu’il a présidées. Cela lui a permis d’approfondir sa propre foi.

Même s’il ignore ce que les autres en ont retiré, il affirme que ces activités l’ont aidé personnellement à accueillir les autres, à se laisser accueillir dans la charité et la vérité.

Il a pu maintenir son ancrage spirituel à travers la prière quotidienne des Heures et l’Eucharistie, moments privilégiés de rencontre avec le Seigneur.

Il a vu dans son ministère chargé un moyen d’être fidèle à l’esprit du concile Vatican II, qui présente l’exercice des fonctions comme chemin de sainteté pour les prêtres.

Il s’inspirait de l’exemple de Jésus qui, bien que tourné vers le Père, ne manquait pas de répondre aux foules dans la fatigue.

Ainsi, pour lui, c’est dans et à travers son ministère actif qu’il a trouvé une voie vers sainteté, se reconnaissant comme le premier bénéficiaire des fruits spirituels de son apostolat.

Ainsi Mgr Blanchet a pris exemple sur Jésus pour expliquer comment il a pu trouver un chemin de sainteté au milieu d’un ministère pastoral très prenant.

Il note que, comme le rapporte l’évangéliste Marc, Jésus passait ses journées à répondre aux foules de manière ininterrompue, au point de ne pas avoir le temps de manger. Pourtant, le soir venu, il allait prier seul dans un lieu désert.

Il voit en Jésus quelqu’un qui était à la fois « par nature tourné vers le Père » dans l’intimité de sa prière, mais aussi « homme-pour-les-autres » dans sa disponibilité constante aux gens, au point d’être « doublement dessaisi de lui-même ».

Mgr Blanchet estimait vivre quelque chose de similaire dans son ministère : d’un côté tourné vers l’intimité avec le Christ à travers la prière quotidienne, et de l’autre tourné vers les personnes à accompagner dans leurs vies.

Il s’est inspiré de cet équilibre chez Jésus entre relation filiale à Dieu et service aux autres pour trouver, malgré la fatigue, la sainteté dans l’exercice fidèle de ses propres fonctions épiscopales, à l’image du « oui » total du Christ aux foules comme à son Père.

Mgr Blanchet a tiré de son expérience plusieurs leçons sur l’équilibre entre la vie intérieure et le service pastoral, qui peuvent également servir à la personne croyante dans sa vie quotidienne :

Maintenir une pratique quotidienne de prière personnelle (Heures, Eucharistie), moments privilégiés de lien à Dieu malgré la dispersion.

Il lui est apparu que ses activités pastorales, bien que dispersantes, l’ont aidé à approfondir sa foi à travers l’étude, la prédication et la célébration.

Il s’est inspiré du Christ toujours disponible aux autres tout en allant à l’écart prier seul. Cet équilibre l’aide à ne pas opposer vie intérieure et service.

Sur l’interpellation d’une religieuse, il a été conduit à ne proposer pastoralement que ce qui nourrit personnellement la marche avec Dieu, pour rester aligné sur sa propre vie spirituelle.

Sa priorité aux rencontres humaines a pris racine dans son dévouement au Christ et aux foules, comme le raconte l’Évangile.

Il a trouvé un ancrage dans l’accompagnement mutuel, qu’il vécut lui-même avec les communautés religieuses dans sa retraite. Il est demeuré convaincu d’être le premier bénéficiaire spirituel de ce ministère actif, chemin de sainteté selon le concile.

Mgr Blanchet est ainsi parvenu à vivre en équilibre son union à Dieu et sa sollicitude pastorale pour les autres.

Merci, Mgr Blanchet, de nous avoir fait don de votre vie et de toute la richesse qu’elle contient.

Jean-François Morin
Diocèse Sainte-Anne-de-La-Pocatière