L’artiste sculpteur de Saint-Jean-Port-Joli Pierre Bourgault vient de remporter un honneur majeur, assorti d’une bourse de 25 000 $, dans la catégorie Prix de Réalisation artistique-Arts visuels des Prix du Gouverneur général.
Le Placoteux (LP) : Ce prix suit de près celui que vous avez remporté en 2020 au Québec, le prix Paul-Émile Borduas. Que représentent ces honneurs pour vous ?
Pierre Bourgault (PB) : J’ai été surpris, je ne pensais pas du tout que le prix du Gouverneur général je pouvais l’avoir, mais je le prends et je suis content. Ce qui est intéressant pour moi, c’est que dans le fond on est quand même isolés, il y a toujours les deux façons de vivre en art, il y a le Québec et le Canada. C’est toujours difficile de franchir cette différence, même si j’ai exposé au Canada. C’est vraiment intéressant, c’est d’une rive à l’autre.
Cette année, j’ai eu le prix Borduas et j’ai vendu une œuvre très importante au Musée d’art contemporain à Montréal. Tous les artistes rêvent d’avoir une œuvre dans les musées, j’ai 79 ans, j’ai toujours voulu avoir une œuvre dans un musée en art contemporain. Ça m’est arrivé, c’est un moment très important.
Nous pouvons imaginer que cet honneur rejaillit sur le nom Bourgault. (NDLR : Pierre Bourgault est le grand héritier d’une famille de sculpteurs). On y fait mention dans les textes du prix.
(PB) : Les Bourgault ont toujours été jugés par les institutions comme étant des gosseux de bois, ça n’a jamais été pris bien bien au sérieux. Mon père et mes oncles n’ont jamais souffert de cela. Moi ça m’a fait souffrir. J’ai toujours rêvé qu’il y a ait une reconnaissance de ma famille, car j’ai toujours aimé leur travail. Aujourd’hui, je peux dire à mon père et mes oncles qui sont partis dans l’espace que « votre nom sera reconnu à la grandeur du Canada maintenant ».
(LP) : Vous êtes un acteur majeur de l’art public québécois. Quel regard y posez-vous actuellement ?
(PB) : J’ai arrêté de faire de l’art public depuis cinq ans. L’art public, c’était un projet pour sortir des musées, sortir les œuvres d’art pour les mettre à la face du monde. Finalement, comme toute chose est bonne, mais s’use à la longue, l’art public est accaparé par la politique. Ce ne sont plus les artistes qui décident des choix, c’est le propriétaire du projet qui décide ce qu’il veut avoir. C’est aller sur la tablette du magasin et acheter quelque chose qui est déjà fait.
(LP) : Comment décrivez-vous votre carrière, de six décennies ?
(PB) : J’ai été marin en même temps qu’artiste. Ma carrière, c’est comme une grande rivière qui coule. Après 60 ans de travail et d’exécution, j’ai toujours travaillé en continuité. Je n’ai jamais changé mon paradigme, j’ai toujours travaillé sur la sensibilité. Je ne suis pas quelqu’un qui raisonne de façon cartésienne. Je suis quelqu’un qui laisse place à l’imaginaire beaucoup plus que la raison. Quand ça devient calculable, j’abandonne.