Placotons : Traverser Côte-du-Sud avec une culotte d’incontinence

Priez le bon Dieu pour que ça passe, faites un nœud, mettez un bouchon ou optez pour la culotte d’incontinence. Pardonnez ma vulgarité, mais c’est maintenant la réalité avec laquelle on doit conjuguer lorsqu’une envie pressante nous prend en voiture sur l’autoroute 20 ouest en Côte-du-Sud.

Le mal peut sembler à la fois simpliste et bénin, surtout à une époque où l’on cherche à rendre tout malheur plus complexe et douloureux. Une vulgaire halte routière en décrépitude, en bordure de l’autoroute; pourquoi s’offusquer aujourd’hui de ce que le ministère des Transports aurait dû faire depuis longtemps, la fermer?

Existait-il encore des courageux qui osaient s’aventurer à la halte routière des Belles-Amours de L’Islet? Certes, par son allure, ça ne devait pas se bousculer aux portes, mais comme les stations-service et les restaurants encore ouverts jour et nuit sont devenus aussi rares que de la merde de pape — jeu de mots facile, je sais —, la halte avait sûrement regagné en utilité ces dernières années pour les voyageurs nocturnes, gracieuseté de ce qu’on aime appeler « la pénurie de main-d’œuvre ».

« Retenez-vous! », crieront ceux qui trouvent l’enjeu futile, ou qui sont simplement de grands adeptes de Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, pour qui la maîtrise des sphincters chez l’enfant se fait naturellement entre l’âge de 12 à 24 mois. Mais au risque de déplaire à ces individus en parfait contrôle d’eux-mêmes, il arrive, même à un âge pas si vénérable, que notre maîtrise corporelle ne suffise plus, et que l’appel de la nature soit tel que franchir les 110 kilomètres qui séparent la halte routière de Saint-Philippe-de-Néri à celle de Saint-Michel-de-Bellechasse nous paraisse le double, voire le triple en distance.

Une toilette, de l’eau et du savon, ce n’est pourtant pas la mère à boire! Une simple toilette chimique pourrait même faire l’affaire. Mais ce qui semble être la base aux yeux de plusieurs est pourtant ce que le ministère des Transports (MTQ) a estimé ne plus être en mesure d’offrir à la halte routière des Belles-Amours de L’Islet. Faut-il vraiment s’en surprendre? Alors que notre bon gouvernement peine à financer adéquatement les réseaux de la santé et de l’éducation — ses missions premières —, pourquoi s’étonner aujourd’hui qu’il soit incapable de répondre à nos besoins les plus élémentaires?

Heureusement, on a eu assez de considération pour laisser le stationnement accessible. À défaut d’accéder au bâtiment aujourd’hui condamné, il sera toujours possible de se soulager en pleine nature. D’accord, peut-être pas en hiver, mais cela ne devrait pas poser problème en été. Érable, ou bouleau, mesdames? Et pourquoi pas cette belle épinette, monsieur? À bien y regarder, finalement prenez l’autre, il y a déjà eu trop de passants ici; il faudrait laisser une chance au gazon de reprendre vie… De l’humour pipi-caca, je vous le concède, mais vaut mieux en rire, non?

Ce qui est beaucoup moins drôle dans cette histoire, c’est comment le MTQ, et par ricochet nos gouvernements successifs se sont longtemps lavé les mains du dossier des haltes routières au Québec. Dégradation accélérée du bâtiment, infiltrations d’eau, moisissures, problèmes électriques, eau à la fois impropre à la consommation et à l’hygiène des mains ne sont que quelques-uns des maux dont souffrait la halte routière des Belles-Amours de L’Islet. Un cancer aussi généralisé ne survient d’ordinaire pas du jour au lendemain. Malgré cela, le MTQ, dans toute sa candeur, se donnait initialement jusqu’en 2027 pour procéder à la fermeture du bâtiment… C’est à se demander ce qu’il attendait de plus pour finalement se précipiter de la sorte! Disons donc merci au Ministère de faire preuve d’autant de sollicitude, car désormais le plafond ne risque plus de nous tomber sur la tête lors d’une grosse commission.

Mais pourquoi ne pas reconstruire, alors que Québec a allongé 150 M$ en juin 2022 pour moderniser d’ici 2027 son réseau des haltes routières? Difficile de ne pas y voir une fois de plus l’absence d’un conducteur au volant de la Côte-du-Sud, dont la mission serait de la doter de sa juste part du trône. Et pourtant, s’il est bien quelqu’un qui devrait comprendre l’importance de cette halte routière, c’est bien Mathieu Rivest. Aux dernières nouvelles, non seulement notre député va aux toilettes comme tout le monde, mais il n’a pas d’autre choix que de faire la route Saint-Alexandre-de-Kamouraska/Québec sur une base régulière. S’il n’a jamais eu besoin d’arrêter à la halte des Belles-Amours à ce jour, on le presse de nous partager ses trucs de retenue.