Le concept n’est pas facile à saisir, car il s’applique différemment selon l’entreprise, mais également le client. L’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC), cette bibitte difficile à apprivoiser ou à mettre en application dans notre logique de consommation contemporaine, s’incruste néanmoins chez certaines entreprises audacieuses prêtes à remettre en question leurs méthodes de fonctionnement. Dans la région, Promo Plastik de Saint-Jean-Port-Joli est la première à faire le saut.
2020, la pandémie de COVID-19 cogne aux portes de l’Occident. Alors que l’économie roulait à plein régime et que la pénurie de main-d’œuvre commençait déjà un peu partout à assombrir les perspectives de croissance des entreprises, les gouvernements confinent, la vie normale est mise sur pause, les chaînes d’approvisionnement s’arrêtent et le télétravail s’impose.
Marie-Hélène Marier est nouvellement nommée directrice générale de Promo Plastik à Saint-Jean-Port-Joli, une coopérative de travailleurs spécialisée dans la fabrication d’objets promotionnels et l’impression artisanale sur objet, alors que les principaux clients de l’entreprise — qui proviennent principalement du milieu promotionnel et événementiel — enfoncent la pédale de frein devant l’impossibilité de se projeter pour leurs affaires. « On n’a pas eu d’autres choix que de se diversifier », raconte la directrice générale.
De nouveaux clients, principalement issus du milieu industriel, sont approchés. De fil en aiguille, Promo Plastik vit une forme de petite mutation : la part de ce secteur d’activités dans son chiffre d’affaires passe de 4 à 5 % par année, à 26 % l’an dernier. L’idée n’est pas juste de faire de l’impression industrielle, mais de proposer davantage, dans certains cas, parfois l’assemblage pur et simple des pièces imprimées. Sans le savoir, la coopérative de travailleurs commence à flirter avec ce qui peut s’apparenter à l’EFC.
« Ultimement, l’EFC doit répondre à deux questions importantes : à quoi sert notre offre de produit et de service, et en quoi ça sert, ou comment ça contribue aux besoins humains fondamentaux du territoire et de l’environnement », résume Émilie Dupont, développeuse et facilitatrice en économie circulaire à la SADC du Kamouraska.
Accompagner
Son organisation est d’ailleurs du nombre des six qui ont démarré l’an dernier EFC Québec qui cherche à accompagner les entreprises québécoises vers l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. 20 entreprises sont ainsi suivies dans toute la province, dont Promo Plastik, la seule dans Kamouraska-L’Islet.
L’objectif est de stimuler la coopérative de travailleurs dans sa réflexion visant à adopter ce nouveau modèle de fonctionnement difficile à apprivoiser et propre à chaque entreprise, voir même chaque client d’entreprise. Car dans l’EFC, le client est plutôt vu comme un partenaire et ses besoins ne doivent plus être évalués selon une logique de volume répétitive.
À ce chapitre, Émilie Dupont cite l’exemple d’un imprimeur qui se retrouve à vendre des dépliants à la tonne à ses clients, car c’est beaucoup moins cher ainsi. Au final, ceux-ci se retrouvent avec des armoires pleines de dépliants non distribués des années passées, car ils n’en avaient pas autant besoin, mais c’était ce qui était le plus logique d’acheter en fonction du prix. Une approche EFC serait donc davantage axée sur la saisonnalité ou un petit volume mensuel d’impression selon les besoins réels du client. Un partenariat établi sur la durée, plutôt que sur la vente à grande échelle ponctuelle, bref, ce qui est gagnant-gagnant pour les deux parties.
« L’imprimeur pourrait aussi aller plus loin en proposant l’entreposage et même les envois aux 25 stations de son client. L’idée c’est de décupler la valeur de ce qu’on offre et qu’on ne facture pas, plutôt que le volume », ajoute Émilie Dupont.
Pour Marie-Hélène Marier, en pleine planification stratégique chez Promo Plastik, intégrer cette nouvelle approche pour l’avenir est extrêmement motivant, même si elle implique de défaire les paradigmes habituels chez les employés et les clients de la coopérative. Mais l’expérience des deux dernières années, qui a demandé des ajustements comme jamais, lui dicte que c’est la chose à faire, car la pandémie a déjà forcé l’équipe à s’adapter, à se diversifier et à moduler l’offre de service de l’entreprise.
« Il y a beaucoup choses que nous faisons qui ne sont pas conscientes, verbalisées et qui font déjà qu’on a une offre de service différente de ce qu’on offrait il y a trois ans. Maintenant, comment on veut construire autour de ça pour que ça fasse sens ? Oui, on a une valeur ajoutée à proposer, mais elle n’est pas toujours consciente, palpable, et elle peut être difficile à saisir même. La réflexion est amorcée, des choses sont déjà sur la table, des clients ont aussi été approchés. Reste maintenant qu’à intégrer tout ça durablement », conclut Marie-Hélène Marier.
Prix Novae 2022
Le 4 mai dernier, le consortium EFC Québec qui inclut la SADC du Kamouraska a reçu un Prix Novae 2022 pour son action innovante en faveur de la transition des entreprises québécoises vers une économie axée sur le développement durable et la lutte contre les changements climatiques. Les Prix Novae récompensent les 20 meilleurs projets de l’année qui se démarquent par leur innovation, leur pertinence et leur originalité dans le but de répondre à des enjeux sociaux et environnementaux.