La colère est toujours aussi vive dans le Quartier latin de La Pocatière. Selon ce que Le Placoteux a appris, certains résidents se sont pointés à la séance du conseil municipal du 3 juillet pour poser des questions aux élus. Les réponses n’auraient pas différé de celles offertes en entrevue par le maire Vincent Bérubé la semaine dernière.
Remise en contexte : la Ville de La Pocatière s’apprête à réaliser des travaux d’asphaltage et de bordure de rue sur la 3e rue Fraser, au cœur du Quartier latin.
Dans un quartier aux allures de banlieue résidentielle, l’opération n’aurait pas de quoi fouetter un chat, mais dans un quartier patrimonial comme celui dont il est question, ne débarque pas une pelle mécanique sans faire un minimum de dégâts ni susciter un minimum d’indignation.
Si elle l’ignorait, la Ville de La Pocatière se l’est fait rappeler amplement depuis la mi-juin par la douzaine de propriétaires du secteur préoccupés par la préservation de leur patrimoine horticole.
Depuis, le maire a démontré une certaine empathie à l’égard des résidents qui vont voir leurs rosiers, plantes et autres arbustes déménagés plus loin que la limite d’un pied réclamée pour la tenue des travaux, mais pas question de moratoire pour se donner le temps de trouver des solutions.
Rouvrir le contrat avec l’entrepreneur signifierait une explosion des coûts, ce qui n’est pas responsable à l’égard de tous les contribuables pocatois.
L’argument est massue, et difficile de s’y opposer quand tous sont unanimes à rappeler continuellement à nos élus l’importance de la « bonne gestion des fonds publics ».
Mais n’est-il pas aussi de la responsabilité d’une administration municipale de veiller à protéger les particularités de son territoire, au nom de l’histoire et de l’environnement?
Car là est le nœud de la question : un quartier atypique et unique, avec un cachet patrimonial supérieur, rehaussé par une végétation centenaire dans bien des cas, au sein d’une ville relativement homogène qui ne demande pas, en temps normal, de soins particuliers par la nature moderne de sa configuration.
Ainsi sont d’ailleurs réfléchis les règlements municipaux, dont celui de La Pocatière sur les clôtures, murs et haies, qui stipule que celles-ci doivent être plantées à 0,60 m ou plus de la ligne d’emprise de rue, sinon à un mètre du trottoir ou d’une borne-fontaine.
Dans un quartier où se succèdent les bungalows des années 1980, appliquer ce règlement va de soi.
Par contre, dans un Quartier latin où les résidences ont pour la plupart été construites entre 1863 et 1940, et où la végétation s’épanouit jusqu’en bordure de la rue depuis tout aussi longtemps, ce règlement témoigne plutôt de l’incapacité de nos administrations municipales à gérer des exceptions qui font pourtant appel au gros bon sens.
Et après, elles seront les premières à dénoncer les intrusions des gouvernements supérieurs dans leurs champs de compétences, à coup de lois et de programmes non adaptés aux réalités régionales. Allez comprendre!
Des solutions
Si ce n’est pas l’argent, l’autre justificatif fourni par le maire pour s’attaquer à la végétation dérangeante de la 3e rue Fraser concerne la sécurité.
Là encore, qui peut s’opposer à cela? Des branches d’arbres nuiraient au stationnement dans la rue; un rosier obstruerait la vision des conducteurs à l’intersection de la 3e avenue de Guise et de la 3e rue Fraser.
La végétation peut causer problème lorsqu’elle n’est pas contrôlée, c’est vrai, mais d’autres solutions pourraient être envisagées avant la coupe à blanc, surtout au sein d’une ville qui encore récemment disait vouloir se doter d’une politique de l’arbre, et qui aime rappeler à qui veut bien l’entendre ses initiatives en agriculture urbaine.
Des rues à sens unique — une solution jamais envisagée, de l’aveu de Vincent Bérubé —, selon le plan suggéré en annexe, règleraient l’ensemble des problèmes de sécurité aux intersections des rues du Quartier latin.
Cette solution pourrait-elle aussi paver la voie à une diminution de l’empiétement des rues pour redonner un peu de terrain aux propriétaires, sauvant ainsi le patrimoine horticole actuel? On jase…
Et pourquoi ne pas interdire le stationnement dans l’ensemble des rues du quartier? De l’aveu des propriétaires, des étudiants qui ne veulent pas payer le stationnement au cégep ou à l’ITAQ seraient principalement ceux qui se garent dans les rues du Quartier latin.
En l’interdisant partout, on éviterait par le fait même des incohérences comme celles qui s’observent sur la 2e avenue de la Falaise et la 3e rue Fraser.
La première, beaucoup plus large à la circulation, interdit le stationnement sur pratiquement toute sa longueur, alors que la seconde, plus étroite, le permet presque partout en dehors de la saison du déneigement. Trouvez l’erreur!
Si la Ville de La Pocatière avait accordé la même importance au Quartier latin qu’elle en porte depuis un an au projet de réaménagement de la 4e avenue Painchaud, elle ne se contenterait pas aujourd’hui de refaire uniquement l’asphalte et les bordures de rue de la 3e rue Fraser; une réflexion plus large, empreinte de solutions afin de conserver au maximum le cachet du secteur, aurait été effectuée au préalable.
Le contraste des résultats sera parlant pour ces deux artères perpendiculaires dans quelques années, où au moins l’une d’entre elles gagnera au change. Je vous laisse deviner laquelle…