Les derniers chiffres sur la population des villes et villages du Kamouraska et de L’Islet en ont surpris plusieurs. La pandémie semble avoir accéléré un déplacement important de population urbaine vers nos régions.
Ce sont des bilans obtenus en additionnant les naissances et les nouveaux venus et en soustrayant les décès et les départs. Les nouveaux venus ne sont donc qu’un des facteurs du bilan. Ils permettent quand même de dégager certains traits importants de cette migration.
D’abord, les nouveaux venus n’ont plus guère à voir avec « les pouilleux » des années quatre-vingts : ils sont un peu plus vieux, jeunes retraités même, ont une profession qui leur permet de travailler chez nous, en ligne ou autrement, et ils ont de l’argent. Ils veulent s’établir en campagne. Ils préfèrent donc les petits villages en périphérie ou près du fleuve, comme Saint-Onésime (+36), Saint-Bruno (+22), Rivière-Ouelle (+41), Saint-Pacôme (+8) et Sainte-Hélène (+8) au Kamouraska, ou Saint-Damase (+17), Sainte-Louise (+22), Sainte-Perpétue (+31), Saint-Marcel (+72), Saint-Adalbert (+10) et Saint-Roch-des-Aulnaies (+12) dans L’Islet.
Les petites villes de Saint-Pascal et de L’Islet ont aussi la cote. Le cas de Saint-Alexandre (+12) relève davantage du phénomène de couronne de Rivière-du-Loup.
Ce qui frappe, c’est surtout la popularité des villages du Haut-Pays, où des propriétés abordables sont davantage disponibles qu’au bord du fleuve.
Des communautés à rebâtir
Pour ces villages agroforestiers qui nous ont été légués par la colonisation « désespérée » des années trente, c’est l’espoir de voir leur population augmenter, rajeunir, se diversifier et se redéfinir. Mais c’est aussi un défi considérable. Ces villages formaient des communautés traditionnelles homogènes, unies autour de leur église, de leur curé et de leurs petites entreprises agricoles, forestières, acéricoles ou autres. Ce type de communauté est nettement en voie de disparition. Les agriculteurs et forestiers se raréfient et les néoruraux qui forment maintenant près de 50 % de la population dans plusieurs de ces municipalités sont loin de s’être intégrés dans les villages où ils ont atterri pour y faire leur nid.
Il va falloir créer de nouvelles communautés autonomes et durables, dans lesquelles anciens et nouveaux accepteront de se mettre ensemble, tisser des liens, créer une appartenance et une identité nouvelles, et surtout, prendre en charge collectivement la vie de la communauté — services collectifs, protection de l’environnement, vie démocratique municipale, besoins communautaires —, comme le faisait le village traditionnel. Un village, c’est un projet commun.
Les récentes statistiques ont beaucoup alerté les gens de la ville de La Pocatière, dont la population est passée sous les 4000. Cette métamorphose des populations locales interpelle aussi les petites villes centrales et le rôle qu’elles sont appelées à jouer sur le territoire.
Chez elles comme dans les villages, il sera nécessaire d’élaborer collectivement des plans de développement et des choix de positionnement basés non sur quelques impressions vagues, mais sur de véritables enquêtes sociologiques qui permettent de faire le portrait précis de la population locale, de ses ressources et de ses attentes : âge, scolarité, origine, statut familial, revenus, emplois, entreprises, déplacements, points forts et points faibles, services, attentes, etc. Sans cet effort, on risque de ne pas dépasser les préjugés habituels ou les slogans promotionnels vides.
Le marketing territorial n’a de sens que s’il s’appuie sur un produit réel. On ne relance pas un village ou une ville avec une « signature marketing », encore moins avec un logo géométrique ou alphabétique comme ceux dont nos graphistes régionaux ont le secret !
C’est l’avenir même des campagnes qui est en jeu. Le mouvement actuel peut amener aussi bien la fragmentation que la consolidation des communautés villageoises. La création de communautés locales ou de quartiers autonomes et durables est un passage obligé de la transition écologique.