Même si la Côte-du-Sud se situe en zone frontalière avec les États-Unis, le préfet de L’Islet, Normand Caron, trouve ridicule l’idée de redécoupage de la frontière, tel qu’exprimé par Donald Trump. Si l’enjeu ne l’inquiète pas, il craint toutefois l’imposition de tarifs qui feraient mal à l’économie locale.
« Je ne suis pas inquiet d’une possible modification de la zone frontalière dans la région, c’est ridicule. Mais en revanche, je m’inquiète encore concernant une potentielle imposition de tarifs dans le secteur forestier, car c’est l’industrie la plus importante dans le sud de L’Islet. Sans compter nos industries exportatrices, comme Rousseau Métal et Fonderie Poitras. Non, sincèrement, on commence à être tanné de l’imprévisibilité de Donald Trump, c’est lourd inutilement. Je suis même rendu à plaindre les Américains ! », dit-il au Placoteux d’un ton exaspéré lors d’un bref échange téléphonique.
Lors d’appels téléphoniques avec l’ex-premier ministre du Canada, Justin Trudeau, le président Trump avait exprimé son souhait de réviser la frontière entre les États-Unis et le Canada, la jugeant « artificielle »,et remettant en question la validité du traité de 1908 qui la délimite.
Toutefois, en raison de l’instabilité de la situation et de l’imprévisibilité du président Trump, les entreprises locales cherchent des solutions afin de minimiser l’impact potentiel, advenant que les tarifs dérangent à outrance. C’est notamment le cas de Rousseau Métal qui a accéléré son plan de diversification de ses marchés. D’autres entreprises ont aussi emboîté le pas. Les députés Mathieu Rivest et Bernard Généreux ont quant à eux déclaré être très préoccupés par la situation.
La frontière Canada–États-Unis
Le tracé de la plus longue frontière terrestre au monde qui sépare le Canada et les États-Unis sur 8891 kilomètres, a récemment été remis en question par Donald Trump. Le président américain a exprimé des doutes quant à la validité du traité de 1908 qui en établit les fondements, soulevant des préoccupations en particulier pour les communautés frontalières comme celles de la Côte-du-Sud, limitrophes du Maine.
L’histoire de cette frontière remonte au traité de Paris de 1783, qui met fin à la guerre d’indépendance des États-Unis. Ce traité fixe alors les premières limites entre les États nouvellement indépendants et les territoires britanniques en Amérique du Nord. La frontière suit les Grands Lacs, traverse le fleuve Saint-Laurent, passe par le lac des Bois, puis est censée rejoindre le Mississippi. Ce tracé, mal défini sur le plan géographique, causera de nombreuses complications.
Pour tenter d’apaiser les tensions persistantes, le traité de Londres (Jay Treaty) est signé en 1794, créant une première commission chargée d’intervenir sur les différends frontaliers. Ce n’est qu’après la guerre de 1812, conclue par le traité de Gand en 1814, que les négociations reprennent dans un climat plus serein.
La Convention de 1818 marque une avancée importante en fixant le 49e parallèle comme frontière entre le lac des Bois et les montagnes Rocheuses. À l’est, la situation reste cependant délicate, notamment dans la région du Maine, où un conflit sans affrontements, surnommé la guerre d’Aroostook, menace l’équilibre. Ce différend est résolu par le traité Webster-Ashburton en 1842, qui établit la frontière dans cette zone.
Vers l’ouest, les tensions se poursuivent dans le territoire de l’Oregon, revendiqué à la fois par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Le traité de l’Oregon de 1846 prolonge le tracé du 49e parallèle jusqu’au détroit de Juan de Fuca, confirmant la répartition des territoires actuels du nord-ouest américain et de la Colombie-Britannique.
Le processus de délimitation se poursuit jusqu’au XXe siècle, avec une étape déterminante en 1908. Cette année-là, les États-Unis et le Royaume-Uni, au nom du Canada, signent un traité créant officiellement la Commission de la frontière internationale. Chaque pays y nomme un commissaire, géographe ou arpenteur-géomètre, chargé de marquer avec précision la ligne séparant les deux nations. En 1910, le tracé dans la baie Passamaquoddy est clarifié, établissant un point médian dans le chenal Grand Manan.
Second traité
En 1925, un second traité entre les deux pays transforme cette commission en structure permanente. Elle reçoit le mandat de maintenir la frontière en bon état et de déterminer la position de tout point problématique au besoin. Depuis, la Commission veille à l’entretien d’une bande déboisée de six mètres de large, surnommée le no man’s land, visible sur le terrain à travers les forêts, montagnes et prairies qu’elle traverse.
Au Canada, l’arpenteur général agit à titre de commissaire, en lien avec le ministère des Ressources naturelles pour les questions techniques et avec le ministère des Affaires étrangères pour les enjeux politiques. Aux États-Unis, le commissaire est nommé par le président et relève du secrétaire d’État. Chacun gère son propre budget, son personnel et ses équipements. La frontière canado-américaine est le résultat de plus de deux siècles de négociations, de conflits évités et de compromis historiques.
