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Sensibilisation à la violence entre partenaires intimes : Un message fort pour une société non violente

Une des 200 activités de sensibilisation a eu lieu au dépanneur Voisin de Saint-Pamphile. On reconnait Andrée Pelletier et Myriame Hébert du Havre des Femmes qui entourent Claudine St-Gelais de la Sûreté du Québec. Photo : Courtoisie

La Sûreté du Québec organisait récemment l’opération nationale concertée en prévention de la violence entre partenaires intimes. Cet événement majeur s’inscrivait dans le cadre des 12 jours d’action contre la violence faite aux femmes et aux filles. À travers le Québec, des services policiers, des organismes d’aide et des partenaires gouvernementaux se sont unis pour sensibiliser la population à ce fléau, et faire connaître les ressources disponibles.

Pour une troisième année consécutive, ces actions se sont tenues dans des lieux stratégiques, principalement sur le réseau routier, sous forme de kiosques et de patrouilles à pied. La collaboration de la majorité des services de police a permis une mobilisation impressionnante.

Le Havre des femmes de L’Islet, une maison d’aide et d’hébergement pour les femmes et les enfants victimes de violence conjugale, a accepté l’invitation du corps policier de tenir deux activités à des endroits stratégiques sous forme de kiosques : à Saint-Pamphile au dépanneur Voisin, ainsi qu’aux Galeries Montmagny. Les personnes rencontrées se sont montrées très intéressées et reconnaissantes de pouvoir échanger avec des policiers et des intervenantes qui leur ont présenté les services existants pour les femmes victimes de violence conjugale.

Une mobilisation collective essentielle

L’événement a aussi bénéficié de la participation d’organismes tels que SOS Violence conjugale, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, et plusieurs autres. Selon Jocelyne Jolin, directrice générale de SOS Violence conjugale, cette opération est essentielle : « Une initiative comme celle-ci permet de parler directement à des dizaines de milliers de Québécois. C’est ainsi qu’on évolue vers une société non violente. »

L’an dernier, les 200 activités de l’opération ont même permis à des victimes d’obtenir de l’aide directement sur place. Des personnes sensibilisées avaient exprimé leur reconnaissance, reflétant l’impact de ces initiatives. Cette année encore, la mobilisation visait à créer un filet de sécurité autour des victimes et à leur offrir des ressources adaptées.

Les récents féminicides rappellent l’urgence d’agir, comme l’a souligné Mathilde Trou, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale : « Peu importe à quelle porte une femme frappera, elle trouvera toujours de l’aide. »

La force du nombre

Me Patrick Michel, directeur des poursuites criminelles et pénales, a insisté sur l’importance de soutenir les victimes à chaque étape : « Leur sécurité et leur bien-être sont au cœur de notre mission. Ensemble, nous renforçons nos actions pour sensibiliser la population et agir concrètement. »

Cette mobilisation collective est également saluée par Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, qui a souligné que ces initiatives renforcent la mobilisation contre les violences faites aux femmes, et mettent en lumière l’accompagnement spécialisé offert aux victimes à travers le Québec.

En renforçant la solidarité, et en mettant en lumière les ressources disponibles, cette opération nationale a démontré l’importance d’unir les forces pour lutter contre la violence entre partenaires intimes. Chaque geste, chaque main tendue peut transformer une vie, et bâtir une société plus sécuritaire et équitable pour tous.

Quand la violence s’infiltre dans l’intimité des régions

La violence entre partenaires intimes est un enjeu complexe et préoccupant au Bas-Saint-Laurent et dans Chaudière-Appalaches. Selon l’Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes 2021-2022, nos régions présentent des profils distincts en matière de violence psychologique, physique et sexuelle, tout en s’inscrivant dans des dynamiques provinciales plus larges.

Dans l’ensemble du Québec, environ 22,5 % des personnes rapportent avoir vécu une forme de violence psychologique dans une relation intime. Ces chiffres sont similaires pour le Bas-Saint-Laurent et Chaudière-Appalaches, où les taux oscillent autour de la moyenne provinciale. Ce type de violence, souvent invisible, inclut des comportements de contrôle coercitif, des dénigrements constants, ou des menaces. Le document précise que les victimes de violence psychologique hésitent souvent à demander de l’aide, car elles ne perçoivent pas toujours ces actes comme de la violence.

Au Québec, la violence psychologique dans les relations intimes touche une proportion significative de la population. Environ 35 % des Québécoises de 18 ans et plus ayant déjà été dans une relation intime rapportent avoir subi au moins un acte de violence psychologique au cours de leur vie. Chez les hommes, cette proportion est légèrement plus faible, s’élevant à 24 %. Ces chiffres illustrent une réalité préoccupante, où les comportements de contrôle, d’intimidation et de dénigrement affectent de nombreuses personnes.

Dans la région du Bas-Saint-Laurent, les proportions restent similaires, bien que légèrement inférieures à la moyenne provinciale. Environ 32,5 % des femmes de 18 ans et plus, soit près de 26 000 femmes, ont vécu une forme de violence psychologique dans une relation intime. Chez les hommes, ce taux atteint 21,3 %, représentant environ 16 700 personnes. Ces données mettent en lumière l’ampleur du phénomène dans les régions rurales, où l’accès aux ressources pour les victimes peut parfois être limité.

L’étude démontre aussi que la violence physique, bien que moins fréquente, demeure un sujet d’inquiétude. Au Bas-Saint-Laurent, des données indiquent une légère baisse par rapport à la moyenne provinciale, mais les contextes ruraux de la région posent des défis uniques. Les victimes peuvent être confrontées à des barrières géographiques et à une accessibilité limitée aux ressources, ce qui contribue à une sous-déclaration des actes. En Chaudière-Appalaches, le taux est similaire, mais les zones urbaines offrent une meilleure infrastructure pour répondre à ces problématiques.

Quant à la violence sexuelle, environ 0,9 % des répondants dans les deux régions rapportent en avoir subi. Bien que ces taux semblent faibles, ils révèlent un enjeu sous-estimé. Dans le cadre de relations intimes, ces actes incluent les pressions pour des rapports non consentis, les agressions sexuelles et les comportements intrusifs. Les intervenants des deux régions insistent sur la nécessité de sensibiliser les communautés pour briser les tabous et encourager la dénonciation.

Malgré les similitudes dans les données, le contexte socioculturel des deux régions influe sur les dynamiques de violence. Au Bas-Saint-Laurent, les communautés éloignées et l’isolement social renforcent les défis liés à l’intervention. En Chaudière-Appalaches, bien que la proximité des ressources soit un avantage, les stigmatisations liées à la violence intime persistent.

Le rapport conclut que nos régions bénéficient de ressources locales, mais qu’elles nécessitent un soutien accru pour répondre à la demande croissante. Des campagnes de sensibilisation et des formations pour les intervenants pourraient jouer un rôle clé dans la prévention et l’accompagnement des victimes. Ce portrait global souligne l’importance de renforcer les initiatives locales et provinciales pour répondre aux réalités de chaque région.

Briser la toile de la violence conjugale

Les signes de la violence conjugale ne sont pas toujours évidents, et c’est précisément ce qui la rend si pernicieuse. Isabelle Després, co-coordonnatrice au Centre-femmes La Passerelle du Kamouraska, décrit une réalité où la violence ne se limite pas aux gestes physiques, mais s’insinue doucement dans la vie quotidienne des victimes.

« La violence conjugale s’installe souvent par des comportements qui peuvent sembler anodins au départ : critiquer un ami proche, dénigrer un parent, remettre en question les sorties, ou contrôler l’accès au téléphone cellulaire. Ces petites choses, prises isolément, peuvent passer inaperçues, mais réunies, elles forment une véritable toile d’araignée », explique Mme Després.

Ce contrôle s’exprime à travers de multiples formes : limitation des déplacements, surveillance des appels et des messages, ou même vérification de l’historique de navigation sur Internet. Certaines victimes se voient même imposer des dispositifs de géolocalisation à leur insu. « On rencontre des femmes dont le conjoint a installé un GPS dans leur voiture, ou un logiciel espion sur leur téléphone. Ces pratiques les maintiennent dans un état de vigilance constant et renforcent leur isolement », ajoute-t-elle.

La toile se resserre lentement mais sûrement. À mesure que la victime perd contact avec ses proches, elle se retrouve de plus en plus dépendante de son agresseur, qui invalide ses perceptions et ses émotions. « L’un des premiers signaux d’alarme, c’est quand une femme se sent isolée de son entourage, et commence à douter de sa propre réalité. L’agresseur installe le doute en permanence : “Tu as mal compris”, “Tu exagères”, “Ce n’est pas ce que j’ai dit”… Ce doute constant est un mécanisme puissant de contrôle psychologique », précise Mme Després.

Ces stratégies insidieuses rendent la violence psychologique particulièrement difficile à identifier et à dénoncer. Pour plusieurs femmes, il faut des années avant de reconnaître qu’elles sont victimes de violence conjugale. « La violence physique est souvent la dernière étape d’un processus qui a commencé bien avant, par des comportements invisibles aux yeux des autres, mais dévastateurs pour celles qui les subissent. »

Ressources renforcées

Malgré ces défis, les ressources pour briser ce cercle vicieux se sont considérablement renforcées. Le rapport Rebâtir la confiance a permis de mettre en place des mesures pour assurer une meilleure sécurité aux victimes, notamment des tribunaux spécialisés et des cellules de crise. Dans la région du Bas-Saint-Laurent, des intervenantes de liaison sociojudiciaires travaillent de concert avec divers organismes pour accompagner les femmes dans ce cheminement difficile.

« Nous avons aujourd’hui un filet social beaucoup plus robuste qu’il y a vingt ans. Cela fait une différence, mais il reste crucial de continuer à sensibiliser. Chaque geste compte pour aider une femme à reconnaître qu’elle est prise dans une toile, et qu’il est possible d’en sortir », conclut Mme Després.

Si vous vous reconnaissez, vous sentez piégée, avez simplement des doutes, ou hésitez à demander de l’aide, c’est peut-être un signe. Un appel peut tout changer. SOS Violence conjugale est accessible 24 heures sur 24 au 1-800-363-9010. Vous bénéficierez de services d’écoute, de soutien et de références vers des ressources locales. Parce que personne ne devrait avoir à affronter seul une telle situation.