Sur la remise des salaires des conseillers et des maires, lettre ouverte d’un citoyen de Kamouraska

Anik Corminboeuf. Photo : Stéphanie Gendron.

Cette pratique de remettre les salaires, souvent modiques, des élus pour des projets à être réalisés dans leur communauté semble prendre de l’ampleur au Québec, comme l’a souligné le journaliste Maxime Paradis dans son éditorial du 24 novembre. Son attrait dans le registre de la sincérité des intentions de nos élus parait plutôt vertueux et digne d’encouragement.

C’est d’ailleurs ce que prouvent les résultats dans les urnes pour ceux qui y ont souscrit publiquement, ici comme ailleurs. Ainsi, l’éditorial du Placoteux est insultant à plus d’un égard et reflète une vision biaisée de la fonction de conseiller municipal, de maire ou de préfet. Bien évidemment, l’éditorialiste a pleins droits d’opinion, mais lorsqu’on y attaque aussi des intentions politiciennes alors que l’intention semble avoir été toute autre, annoncée bien avant les élections et qu’au passage on éclabousse aussi les retraités et les bénévoles, c’est quelque peu choquant.

Le philosophe Taine a pu écrire au 19e siècle sur « la classe des politiciens, classe suspecte, surtout en pays de suffrage universel, car elle ne s’y recrute point parmi les hommes les plus indépendants, les plus capables et les plus honnêtes, mais chez les intrigants bavards et les charlatans convaincus ». Cette citation réfère à la méfiance aujourd’hui comme autrefois bien présente que l’on peut avoir de nos élus. Tâche ingrate que celle de politicien !

Mais alors, demandons-nous quels sont les critères de base recherchés : hommes ou femmes n’ayant pas de tendance aux conflits d’intérêts, donc indépendants et intègres, ayant sagesse et bon sens avant tout et attachés au bien-être de leur communauté. Voici un profil déjà complexe que l’urne filtrera. Or, le vote à Kamouraska fut un des plus élevés de la province, ce qui effectivement a mis en lumière le besoin ressenti de changement au sein de cette communauté qui n’avait eu d’élections depuis des lustres et dont la passation de pouvoir restait traditionnellement dans les mains de familles connues.

Par ailleurs, penser que les conseillers municipaux ont besoin d’être payés pour faire leur travail est insultant, à moins d’être syndiqué. Pour nombre d’entre eux, les heures ne comptent pas ! Penser aussi que ce sont des positions pour retraités l’est tout autant. D’abord, les retraités ont ce me semble les prérequis nécessaires : sagesse, indépendance et ancrage local. Ensuite, l’expérience diversifiée qu’ils peuvent apporter à leur communauté devrait être encouragée et célébrée, ce qui ne semble pas avoir été saisi dans l’éditorial.

Finalement, la philanthropie ou le reversement des salaires pour de nobles causes, si rare au Québec par rapport aux autres régions du continent, devrait être loué plutôt que critiqué. Ceci ne veut nullement dire que tous devraient reverser, mais plutôt ceux qui le peuvent et dont les valeurs épousent de telles attitudes.

Je note aussi avec surprise dans l’éditorial le salaire considérable du préfet, fonction qui il n’y a pas si longtemps était assumée par un des maires élus de la MRC. Surprenant il est vrai que ce salaire de 75 000 $ qui est une dépense, ainsi que les ressources associées à cette position, pour les villes attachées à la MRC, soit plus six fois supérieur aux salaires des maires ! Il aurait sans doute été plus judicieux de comparer ce dernier salaire avec ceux des autres MRC et non d’un gérant d’A&W et de suggérer plutôt que le ministère des Affaires municipales applique une politique uniforme de grilles salariales, grilles d’ailleurs qui seraient sans doute également indiquées pour les directeurs généraux des villes du Québec (sans doute avec des ajustements suivant la grandeur des villes), car il est bien connu que ces salaires sont souvent hors de proportion avec les responsabilités réelles.

J’avoue être un lecteur assidu du Placoteux, mais que cet éditorial m’a surpris et profondément déçu.

Alexandre Navarre, Kamouraska