Certains lecteurs me trouvaient lassant, voire très répétitif de faire fréquemment allusion à ce qui se passait du côté de SAAQCliq. Pourtant, à la lumière des dernières informations révélées sur ce fiasco annoncé, on apprenait que sur un budget initial de plus de 600 M$ pour la transformation numérique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) — ce qui est déjà trop onéreux pour ce type d’exercice à mon sens — il y aurait un dépassement de coût de 500 M$, pour un montant total de 1,1 milliard de dollars pour l’obtention de ce canard boiteux. Le pire, c’est qu’il pourrait ne s’agir que de la pointe de l’iceberg au gouvernement du Québec !
Oui, oui, mille cent millions de dollars, soit près de la construction de trois Centres Vidéotron au prix de 370 MS l’unité pour une simple plateforme informatique qui, par-dessus tout, ne fonctionne pas adéquatement !
Pensons-y, la construction du Centre Vidéotron, réalisée entre 2012 et 2015, a mobilisé une main-d’œuvre imposante de 1515 ouvriers issus de 30 corps de métiers différents. À tout moment, environ 500 travailleurs étaient présents simultanément sur le chantier pour assurer la coordination des différentes phases de la construction, et ce, pour des millions d’heures de travail. En somme, plus de 1500 ouvriers avec d’excellents salaires, et une pléthore de matériaux et de machinerie ainsi que de l’équipement de toute sorte auront été nécessaires pour l’érection de cet amphithéâtre qui s’étend sur une superficie totale de 65 037 mètres carrés répartis sur sept étages. 1,1 milliard pour de l’informatique la SAAQCliq, vraiment ?
Des petites cachettes ?
Selon un récent article du Journal de Québec, en pleine campagne électorale de 2022, le conseil d’administration de la SAAQ aurait choisi de dissimuler un dépassement de coûts de 222 millions de dollars du projet SAAQClic en fractionnant la somme. En procédant ainsi, la première tranche du dépassement demeurait sous le seuil de 10 % du contrat, ce qui permettait d’éviter une divulgation obligatoire. Cette stratégie visait à éviter un « risque médiatique et politique élevé », et aurait été adoptée juste avant les élections afin de limiter l’impact sur l’opinion publique. De plus, selon le chef conservateur Éric Duhaime, il y aurait potentiellement des actes criminels dans ce dossier.
La responsabilité ministérielle ?
La responsabilité ministérielle est un principe fondamental du système parlementaire québécois (britannique) reposant sur l’idée que les ministres, en tant que membres du gouvernement, sont responsables devant l’Assemblée nationale de leurs actions. Sommes-nous dans un cas semblable avec la SAAQCliq ? Poser la question, c’est d’y répondre, mais pourtant…
Du côté des ministres ayant touché à ce dossier, on se lance la balle en accusant le gouvernement libéral précédent, ou bien en affirmant que les informations concernant les dépassements de coûts leur auraient été cachées. Or, le responsable de la transformation numérique à la SAAQ, Karl Malenfant a affirmé au Devoir qu’il n’avait « jamais caché d’informations », et a du même souffle montré du doigt le ministre de la Cybersécurité et du Numérique Éric Caire. De grâce, qui est responsable ? [NDLR] Éric Caire a démissionné de son poste après la rédaction de ce texte.
Par ailleurs, si le gouvernement et la machine n’ont rien à cacher, pourquoi donner des documents caviardés aux partis d’opposition à Québec sur le sujet ? Y aurait-il d’autres potentiels fiascos à l’agenda ? D’autres dépassements de coût faramineux ???
Compressions locales
Localement, en Côte-du-Sud, on apprenait qu’en raison du contexte économique incertain, le projet de dôme à Montmagny a dû être abandonné, puisqu’il manquait 1,2 M$ pour compléter le montage financier. Dans l’est du comté, à La Pocatière, il manque toujours quelques millions pour attacher le projet de réfection de la piscine du Cégep.
Dans des circonstances où la gestion des deniers publics par le gouvernement est respectable, couper dans l’appareil étatique en raison d’événements économiques désavantageux est justifiable, voire acceptable. Par contre, procéder à des fermetures de services, et annuler des projets porteurs pouvant bénéficier à la population en raison que l’argent des contribuables a été dilapidé à coup de milliards dans des projets douteux, où l’élastique de l’éthique a été étiré plus qu’au maximum, il me semble qu’on aurait droit à davantage de transparence que ce que le gouvernement caquiste nous offre aujourd’hui…
Peut-on minimalement se faire ventiler les dépenses de ce projet ? Sinon, peut-on avoir une commission d’enquête indépendante sur le fiasco de SAAQClic, avec de possibles accusations criminelles, ou bien la non-imputabilité va demeurer reine au gouvernement du Québec ? Je présume qu’avec 500 M$ de plus dans le budget, on aurait assurément été en mesure de se payer la réfection de la piscine du Cégep et le projet de dôme récemment annulé, n’est-ce pas ?