La quête des carrefours jeunesse-emploi (CJE) du Québec désireux de retrouver un financement à la « mission » n’a pas été une tâche facile. Engagement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) à l’élection générale de 2018, la promesse s’est concrétisée à l’automne 2021. Un an plus tard, Projektion 16-35 réapprend à jongler avec l’accès universel à ses services que lui permet de nouveau ce financement, dans un contexte social fort différent de celui qui prévalait en 2015.
Le combat n’était pas que celui d’Édith Samson, mais de tous les CJE du Québec. Vétérane du milieu communautaire, la codirectrice de Projektion 16-35, qui cumule plus d’une trentaine d’années de services pour l’organisme, a néanmoins « survécu » à cette période trouble, celle où le financement des CJE a été revu sous le dernier gouvernement libéral, époque à laquelle le commun des mortels aime encore aujourd’hui accoler l’étiquette « austérité ».
On était en 2015, et les CJE venaient d’apprendre qu’ils ne seraient plus financés à la mission, ce qui permettait un accès universel à leur offre de service auprès des jeunes de 16 à 35 ans. Désormais, le financement proviendrait d’Emploi-Québec (Services Québec), et la clientèle serait essentiellement celle qui lui serait référée par l’organisation, moyennant des « cibles » à atteindre et certains critères ; autrement dit, les CJE seraient des sous-traitants d’Emploi-Québec. Adieu universalité, et bonjour les cases à remplir. Le choc a été brutal.
« On avait le même montant de financement, mais on rencontrait environ 35 % des cibles qu’on nous demandait d’atteindre. Notre préoccupation était au terme de l’entente, car on se disait que si on nous finançait au réel, on nous couperait probablement en proportion de ce qu’on aurait réalisé. », résume la codirectrice de Projektion 16-35, Édith Samson.
Durant tout le mandat libéral, des représentations ont été faites par les deux regroupements parlant au nom des CJE du Québec, afin de sensibiliser à l’importance de retrouver un financement à la mission pour rétablir la notion d’universalité qui prévalait par le passé. Ce n’est qu’après l’élection d’un gouvernement caquiste à l’automne 2018 que le message a fini par trouver écho, le parti en ayant fait au préalable un engagement électoral.
En transition
Depuis un an, Projektion 16-35 et tous les autres CJE jouissent de nouveau d’un financement à la mission globale. Dans L’Islet, la somme atteignait 145 420 $ en 2021-2022, alors qu’au Kamouraska, pour Projektion 16-35, le montant s’élevait à 178 506 $. À cela s’ajoute une somme d’environ 140 000 $ par CJE pour la même période par le biais du programme Créneau carrefour, piloté par le Secrétariat à la jeunesse, cette fois orienté vers des activités spécifiques.
Avec ce retour au financement à la mission, Projektion 16-35 est de nouveau ouvert à tous, mais l’organisme doit tout de même s’ajuster, car la réalité du marché du travail est aujourd’hui différente de celle d’il y a sept ans. Dans un contexte de plein-emploi, et même de pénurie de main-d’œuvre, la clientèle que joint aujourd’hui l’organisme vient avec de nouveaux défis.
« La quantité de jeunes rencontrés est beaucoup moins grande, d’une part, mais elle est aussi beaucoup plus éloignée du marché de l’emploi. Ça change toute l’approche de nos conseillères en emploi. Si les jeunes débarquent à la base parce qu’ils ont besoin d’aide pour leur curriculum vitæ, 80 % de la rencontre va probablement tourner autour de tout, sauf ça. Au final, c’est plus l’intervenante sociale qui entre en ligne de compte que la conseillère, et on sort complètement de l’approche des cases à cocher pour atteindre les cibles qui nous étaient fixées », résume Dimka Bélec, codirecteur.
Près de sept ans à restreindre l’accès aux services a aussi eu un impact auprès de toute une génération de jeunes travailleurs qui ne connaissent pas ou peu l’organisme. Un défi de promotion pour faire reconnaître l’offre de service universelle de Projektion 16-35 s’impose, et cela vient avec une plus grande présence sur le terrain, en particulier dans les écoles de la région, délaissées ces dernières années dans la foulée de la refonte de la mission.
De nouveaux besoins pointent aussi auprès d’une clientèle plus jeune que les 16-35 ans, appelée de plus en plus à faire son entrée de façon précoce sur le marché du travail. « Comment on travaille avec ces jeunes-là ? Leurs parents ? Leurs employeurs ? C’est un nouveau phénomène auquel on doit s’attarder, qui demande de l’ajustement mais qui est possible, maintenant qu’on a retrouvé notre flexibilité d’antan », termine Édith Samson.