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Une piscine pour sauver des vies

Apprendre à nager est essentiel et sauve des vies. Photo : Andrian Rubinskiy, Unsplash

Alors que la réponse du gouvernement provincial dans le dossier de la piscine du Cégep de La Pocatière se fait toujours attendre, Le Placoteux a cherché à savoir comment l’absence d’une telle infrastructure peut affecter la sécurité aquatique des citoyens.

Selon la Société de sauvetage du Québec, les compétences aquatiques ont un impact direct sur la prévention des noyades. Dans la région du Bas-Saint-Laurent, entre 2011 et 2021, on a déploré 21 cas de noyade, dont 16 étaient originaires de la région. Six autres personnes originaires du Bas-Saint-Laurent se sont noyées ailleurs au Québec durant la même période. Ces 22 décès représentent 2,4 % des noyades au Québec en dix ans.

Fait intéressant, aucun nageur ayant une bonne ou une excellente maîtrise de la natation ne figure parmi les victimes. De plus, cinq victimes, soit 23 % du total, ne savaient pas du tout nager, ou avaient une faible maîtrise de la natation.

Conséquences inévitables

Le directeur général de la Société de sauvetage du Québec, Richard Hawkins, est d’avis que la fermeture de la piscine aura des conséquences sur la maîtrise de la natation dans notre région, ainsi que sur la formation et sur la disponibilité des sauveteurs et des moniteurs de natation. « Il serait dissuasif pour des individus d’aller se former à une heure de route, a-t-il souligné, et les installations à proximité de La Pocatière pourraient avoir de la difficulté à maintenir leurs activités sans surveillance aquatique. »

Le manque de compétences en natation pourrait provoquer des tragédies non seulement dans les bassins publics, mais également dans les résidences privées, où le nombre de piscines a explosé ces dernières années. Selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), on comptait en 2006 dans la province environ 300 000 piscines résidentielles, tous genres confondus. Si moins de personnes savent nager, les risques de noyade ne pourront qu’augmenter.

Le médecin à la retraite et ancien sauveteur et instructeur de natation de la Croix-Rouge, Richard Lefebvre, pense qu’il faut insister sur les effets de l’absence de formation adéquate sur la prévention des noyades. Il souligne qu’il ressort des statistiques citées plus haut qu’aucun décès par noyade n’a été répertorié chez les nageurs dits compétents, qui peuvent par exemple parcourir 50 mètres à la nage.

« Bien nager s’apprend par des cours de natation, insiste M. Lefebvre, et par de la pratique en piscine, non pas dans un aréna ou un gymnase. Sauver la piscine est une priorité, car c’est sauver des vies. Sans cela, un effet domino est inévitable, et le taux de noyades grimpera tant que des cours de natation resteront indisponibles. »

Il conclut en affirmant que « les sauveteurs actuels sont donc tous ceux qui œuvrent à sauver la piscine, y compris les élus et les fonctionnaires qui doivent comprendre le message, et agir stat, comme lors d’une noyade. »

Sauveteurs recherchés

Une piscine telle que celle du Cégep de La Pocatière offre des services qui vont bien au-delà du simple plaisir de nager et de garder la forme. On y forme également des sauveteurs qui assureront par la suite la sécurité aquatique dans les piscines présentes sur le territoire, dans les campings et les municipalités, ainsi que sur les plages publiques.

Or, la piscine est fermée depuis maintenant deux ans, et les effets commencent à s’en faire sentir. Avec l’été qui vient, on appréhende des perturbations dans les horaires des plages et des piscines publiques du territoire, faute de sauveteurs qualifiés pour les surveiller. Pour deux campings de la région, ceux de  Rivière-Ouelle et de Saint-Roch-des-Aulnaies, le recrutement de sauveteurs est plus ardu que par le passé.

Lise Simard, directrice générale du Camping Rivière-Ouelle, est arrivée en poste très récemment, mais elle s’est rapidement rendu compte de l’enjeu auquel son équipe fait face. En cette fin d’avril, il manque toujours un sauveteur dans son équipe aquatique. « Comme je viens d’arriver, je n’ai pas l’expérience des années précédentes, mais l’équipe a constaté que le recrutement est un peu plus ardu cette année. J’ai quand même bon espoir de compléter la brigade à temps pour la saison », explique-t-elle, préférant ne pas spéculer sur les mesures qui seront prises en cas d’échec.

Pour Alexandre Bernard, copropriétaire du Camping des Aulnaies, même constat. Il lui manque toujours un sauveteur pour cet été, lui qui en embauche en moyenne trois par saison. On parle du tiers des effectifs. « D’habitude, je reçois une demi-douzaine de CV chaque année, et là, rien. » Si rien ne change, il prévoit qu’il lui sera très difficile d’organiser des cours de natation cet été, et qu’il devra peut-être limiter les admissions à la piscine certains jours. « Ici, les familles viennent de partout pour passer une journée d’activités pour tout le monde, et la piscine est un atout important pour l’attractivité du camping », se désole M. Bernard.

Le Camping des Aulnaies devait ajouter une piscine à ses équipements très bientôt, mais la situation l’oblige à revoir certaines caractéristiques de son projet pour pallier le manque de sauveteurs, comme intégrer des jeux d’eau.

Un dossier qui traîne en longueur

Alexandre Bernard trouve inconcevable qu’une région aussi vaste ne dispose pas d’une piscine intérieure pour assurer la sécurité des citoyens. « La façon dont l’argent est dépensé au gouvernement est complètement aberrante, fulmine de gestionnaire. On ne demande pas la Ronde avec des manèges, juste une piscine. » Alors que d’autres projets voient le jour un peu partout sur le territoire, il se désole qu’on peine à réunir les fonds nécessaires pour rénover cette infrastructure essentielle à la sécurité de tous.