En campagne électorale, c’est difficile de ne pas parler de politique. Mais étrangement, c’est de plus en plus difficile d’en parler, car les partis en campagne ne nous parlent pas vraiment de politique.
Ils accumulent les promesses pour flatter leur clientèle. Ils promettent de régler tous les petits problèmes quotidiens de la vie — ce qui est bien normal quand on veut diriger un pays —, mais ils ne nous parlent guère de l’avenir de notre pays, le Québec, qui est pourtant de plus en plus menacé par le multiculturalisme canadien, le libre-échange mondial et le réchauffement du climat. Et encore moins de nos régions et de nos gouvernements locaux, qui sont maintenus dans la dépendance la plus totale, ni de nos ressources naturelles — forêt, mines, eau, agriculture, énergie — qui s’en vont chez le diable, ni de nos écoles qui manquent de tout, ni de la pollution généralisée, ni de ce que va exiger de nous la transition écologique sans laquelle nous risquons de crever, ni de la démocratie et du bien commun mis en danger de plus en plus par les apôtres de la « libarté » individuelle.
Au contraire, pour se gagner des votes, on coupe les impôts, on donne des cadeaux à tout le monde, on est prêt à vider les coffres de l’État, quitte à manquer de fonds demain pour fournir les services indispensables.
En région, les problèmes ne manquent pas. Les jeunes ne peuvent plus démarrer en agriculture en raison du prix exorbitant des terres, des quotas, des machines et des intrants, quand ce n’est pas en raison des règles du zonage : ça devient un club fermé de gros qui mangent les petits et cherchent à exporter à l’étranger plutôt que nous bien nourrir. On doit importer de la main-d’œuvre, même dans les fermes laitières dites familiales. Les petites fermes n’ont pas accès à l’assurance stabilisation du revenu agricole. Les municipalités manquent de ressources pour s’occuper de leur communauté et de leur environnement sans avoir une armée de fonctionnaires sur le dos. Le patrimoine rural est laissé à l’abandon et se perd. La pollution agricole et industrielle met notre santé en danger.
Les régions subissent l’excroissance et la déloyauté de Montréal, de plus en plus bilingue et multiculturelle. On veut 35 000 (PQ), 50 000 (CAQ-PCQ), 70 000 (Libéraux), 80 000 (QS), immigrants par année, sans parler des 100 000 travailleurs étrangers temporaires, presque tous à Montréal. Un candidat anglophone vient même de proposer une taxe d’entrée à Montréal pour les non-résidents. Montréal, le cœur du Québec, est ailleurs. Mais le Québec ne peut survivre sans Montréal, et Montréal ne peut survivre sans les régions. Vers quelle sorte de pays s’en va-t-on ?
Il y a quelques années, un groupe, dont je faisais partie, avait fondé le parti des Sansparti. L’idée était d’enlever le pouvoir de décision aux partis et de le redonner au peuple. Nous prônions la politique non partisane. Pour y parvenir, il faudrait d’abord permettre au peuple d’écrire une constitution du Québec, où seraient définis le statut du Québec et les institutions politiques permettant au peuple de contrôler les décisions collectives. Un beau rêve, direz-vous, surtout que l’idée même de démocratie est de moins en moins populaire en notre époque de capitalisme, d’individualisme et de méfiance.
Il faudra donc se contenter, une fois de plus, de voter au hasard, pour le moins pire, le plus sympathique, le plus vrai, le plus payant, le moins extravagant. Et tant pis pour le Pays et pour le Peuple ! Mais j’oubliais. Ce n’est pas nous qui élisons le premier ministre : ce sont les électeurs de son comté, et c’est le parti qui le désigne comme chef. Nous n’élisons que des candidats choisis et liés par les partis. Et par la magie de notre système électoral « infect » (disait René Lévesque), il se peut qu’un parti récolte 80 % des députés avec 40 % du vote.
Dommage, les SANSPARTI n’existent plus !