Il s’agit d’une vision de la société et d’un mouvement, souvent diffus, dont le dogme central est la domination de l’homme blanc : « le privilège blanc ».
Selon cette vision du monde, la société est divisée en deux blocs : d’un côté l’homme blanc, qui a bâti son pouvoir par le patriarcat, le racisme et la colonisation, et de l’autre les groupes « racisés », colonisés ou réduits à l’esclavage par l’homme blanc : les Noirs, les Asiatiques, les Autochtones, les femmes, les religions, les minorités sexuelles, physiques ou sociales. Pour les wokes, les minorités sont des victimes, et les majorités des racistes. C’est le sens du discours qu’a tenu Haroun Bouazzi sur « la construction de l’Autre ».
L’homme blanc est coupable, qu’il le veuille ou non. C’est systémique. Le « privilège blanc », c’est un peu comme le péché originel : on n’y peut rien, on l’a tous, et on en porte tous les conséquences, même si ce n’est pas nous qui avons fait le mal. À l’opposé, les groupes « racisés » sont des victimes, qu’ils le veuillent ou non eux aussi. Aucune solidarité ni collaboration ne sont possibles entre les hommes blancs et les groupes « racisés ».
Les WOKE, c’est-à-dire ceux qui sont « éveillés », ceux qui ont compris le pouvoir exercé par l’homme blanc, veulent réécrire l’histoire, et redonner leurs droits aux minorités dans toutes les sphères de la société. Ils se voient comme des justiciers. L’homme blanc règne depuis trop longtemps : au tour maintenant des femmes, des groupes « racisés », des Autochtones. Pour cette nouvelle gauche dite multiculturelle, diversitaire ou inclusive, il faut bannir de l’espace public, des médias et de notre culture toutes les formes de patriarcat et de colonialisme, privilégier toutes les cultures » racisées » et toutes les formes de diversité par une discrimination positive, en un mot, bannir l’homme blanc.
Pour une solidarité citoyenne
Tout n’est pas faux dans le wokisme. La grande majorité d’entre nous sommes de plus en plus conscients des injustices tenaces créées par le patriarcat, l’esclavage, le colonialisme, la peur des immigrants, la domination des hommes dans nos sociétés. Conscients aussi que la diversité et le métissage des cultures seront de plus en plus incontournables.
Mais ce n’est pas en opposant les groupes les uns aux autres, en reniant notre histoire, notre identité et notre nature, ni en affichant un nouveau racisme inversé qu’on parviendra à corriger ces injustices et ces discriminations. La défense et la mise en valeur des minorités ne doivent pas se faire au détriment et au mépris de la majorité des Québécois, du tronc commun culturel qui nous caractérise et de nos aspirations comme peuple. L’ouverture aux communautés culturelles ne doit pas remettre en question non plus la laïcité, l’égalité homme-femme, l’égalité de tous les citoyens, la liberté d’expression, la gestion de l’immigration, ni notre nationalité et notre citoyenneté communes.
C’est en corrigeant notre compréhension de l’histoire, en donnant à chacun la place qu’il mérite, et en bâtissant de nouvelles formes de solidarité — et surtout, une nouvelle citoyenneté commune — que nous pourrons changer les choses.
Le Québec est loin d’être fermé à ces progrès. Notre histoire en est une de métissage et d’égalitarisme. Plutôt que nous accuser les uns les autres et nous enfermer dans des ghettos raciaux, tout nous destine à une citoyenneté commune et inclusive : ne sommes-nous pas nous-mêmes une « minorité racisée » au Canada et en Amérique?