La nouvelle victoire sans appel de Bernard Généreux à la dernière élection fédérale dans Montmagny—L’Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup nous rappelle que le député conservateur part de loin. Après une défaite crève-cœur en recomptage judiciaire par seulement neuf voix en 2011 face au néo-démocrate maintenant libéral défait François Lapointe, le député se présente maintenant aux électeurs avec beaucoup plus d’humilité.
À ce traumatisme de 2011, il faut aussi ajouter celui de 2015, un film pratiquement similaire où cette fois la vague orange avait plutôt les airs d’une Trudeaumanie 2.0 portée dans le comté par la libérale Marie-Josée Normand. Un autre recomptage judiciaire avait une fois plus été nécessaire, concluant la victoire de Bernard Généreux, mais par seulement 272 voix. Depuis, l’approche du député conservateur n’a plus jamais été la même, donnant l’impression d’être en campagne électorale constante depuis six ans.
Le premier mandat de sa réélection en 2015 a donné le coup d’envoi aux tournées, celle des entreprises, du domaine agroalimentaire, des organismes communautaires et du milieu touristique. Même si parfois le tout prenait plutôt l’allure d’une campagne promotionnelle des endroits visités, le sous-message était plutôt le suivant : « Je m’appelle Bernard Généreux, je suis votre député fédéral et si jamais vous avez besoin de quelque chose, contactez mon équipe à mes bureaux et on verra ce qu’on peut faire pour vous. »
Plusieurs l’ont assurément retenu, lui assurant une majorité de plus de 5000 voix lors de sa réélection en 2019 et récoltant probablement pour la première fois des votes davantage pour lui en tant qu’homme politique plutôt que pour son parti, dont les positions étaient encore à ce moment jugées trop controversées au Québec.
La pandémie s’est ensuite pointée et Bernard Généreux a su mobiliser son plus grand atout : ses équipes de travail, entre autres celles dans ses bureaux de comté, dont la stabilité des employés « clash » avec celle de sa vis-à-vis provinciale. En plus de la poutine habituelle qui alimente généralement le quotidien des employés, les bureaux de Bernard Généreux laissaient parfois l’impression de s’être transformés en petit CLSC pour les victimes collatérales de la pandémie.
Ce genre d’accompagnement personnalisé peut laisser une marque positive dans l’imaginaire collectif des électeurs, au point de se propager comme un bouche-à-oreille dans l’ombre et stimuler cette majorité de près de 11 500 voix lors du scrutin du 20 septembre.
Métamorphose
Qu’il ait été aidé par son équipe ou par les éléments, cette métamorphose de Bernard Généreux en un député humble et véritablement concerné ne s’est pas opérée en un jour. Il suffit de se rappeler sa première élection en 2009, où l’arrogance était davantage sa marque de commerce.
Porté visiblement par le prestige de joindre les Communes au sein d’un parti au gouvernement, Bernard Généreux avait bombé le torse dans les 100 premiers jours de son élection en s’appropriant tous les mérites des investissements fédéraux survenus dans le comté depuis son élection, faisant abstraction du travail du député précédent Paul Crête. Sa sortie avait comme sous-message qu’il fallait « voter du sens du pouvoir » pour être considéré par les gouvernements. Ça ou un os de poulet pris en travers de la gorge ont probablement eu le même effet auprès de bloquistes de la région, du moins, les plus nationalistes qu’indépendantistes, qui eux auraient sûrement pu faire une différence dans sa réélection lors de la vague orange de 2011.
La modestie n’ayant pas brillé davantage durant les deux ans qu’a duré son premier mandat de député, il est évident que les quatre années suivantes passées à la maison et au sein de son entreprise, alors que ses collègues conservateurs, eux, jubilaient au sein d’un gouvernement majoritaire à Ottawa, ont fait réfléchir Bernard Généreux. L’importance d’être le représentant de tous les électeurs, et cela, peu importe leur allégeance politique, l’addition, non pas la soustraction des appuis et la prime à l’urne qu’inspire une bonne dose d’humilité chez un candidat sont depuis des préceptes que le député conservateur applique à la lettre.
Tout cela ajouté à son tempérament de travailleur acharné fait que les prochains adversaires de Bernard Généreux ont tout intérêt à s’y prendre tôt s’ils désirent le déloger lors d’une éventuelle élection. Comme quelques rares députés qui ont réussi à le faire dans la région au provincial ou au fédéral dans le passé, tout porte à croire que le député conservateur a finalement réussi à couler, en à peine quelques élections, les fondations de ce que plusieurs appellent dans le jargon un château fort du parti.