Des cultures verticales de légumes en milieu fermé. Des serres de tomates à perte de vue chauffées l’hiver par de l’électricité vendue à des tarifs préférentiels aux producteurs. Tout porte à croire que le Québec se rapproche de l’autonomie alimentaire depuis deux ans. Pour l’Union Paysanne, l’approche actuelle demeure toutefois incomplète.
L’Union Paysanne n’a jamais fait sa marque en défendant l’agriculture industrielle et ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer. L’importance que l’organisation accorde à une agriculture à petite échelle, diversifiée et de proximité explique en majeure partie pourquoi elle n’est pas séduite outre mesure par le discours d’autonomie alimentaire qui pend au bout des lèvres de gouvernement du Québec depuis le début de la pandémie.
« Le buzz de l’autonomie alimentaire qu’on sent actuellement, que ça soit la multiplication des serres ou de l’agriculture verticale en milieu urbain, c’est bon et mauvais à la fois. Le gouvernement veut valoriser l’achat local en alimentation et c’est tant mieux, mais c’est à l’avantage, encore, des gros producteurs », explique Marie-Josée Renaud, coordonnatrice à l’Union Paysanne.
Les programmes de subventions qui sont mis en place sont ouverts à tous, reconnaît-elle, mais les gros producteurs sont assurément ceux qui en profitent le plus, les sommes étant souvent versées en fonction d’un certain pourcentage de la valeur totale des projets. Ainsi, une grosse infrastructure de plusieurs millions de dollars subventionnée à 50 %, dit-elle à titre d’exemple, n’aura pas la même incidence que celle attribuée à un petit producteur dont la valeur des investissements qu’il envisage ne sera que quelques milliers de dollars à peine. « Et la paperasse à remplir pour avoir droit à cette aide est la même pour le petit que pour le gros », rappelle-t-elle.
Selon le décompte effectué par l’Union Paysanne récemment, les programmes d’aides qui sont en place sont tournés vers l’agriculture industrielle dans une proportion de 80 %. Les petits producteurs se retrouvent donc défavorisés à plusieurs égards, et cela, malgré l’engouement croissant qui existe auprès de la nouvelle génération pour une agriculture biologique réalisée sur de plus petites surfaces.
Revoir les paradigmes
S’il faut parler d’autonomie alimentaire, Marie-Josée Renaud croit qu’il ne faut pas hésiter à remettre en perspective tous les paradigmes qui entourent l’alimentation, du champ à la cuisine. Elle souligne à juste titre que le milieu de la restauration québécois est probablement, à l’heure actuelle, un des meilleurs ambassadeurs de ce qu’on peut appeler l’autonomie alimentaire.
« Il faut encourager les circuits courts, réapprendre à cuisiner, selon les saisons, valoriser les aliments selon leur provenance. Il y a une forme de dichotomie entre ce qu’on voit à la télévision et qui est porté par les grands chefs du milieu de la restauration vs ce qui se fraie réellement un chemin dans nos assiettes à la maison », poursuit-elle.
Une réflexion autour de tout le système alimentaire est donc nécessaire si on souhaite réellement atteindre l’autonomie alimentaire, selon elle. L’Union Paysanne n’hésite pas, d’ailleurs, à utiliser plutôt l’expression « souveraineté alimentaire », plus politique, reconnaît-elle, mais qui a le mérite de réellement s’attaquer à l’ensemble du « système » qui implique la production, la transformation, mais également les réseaux de distribution afin que cette agriculture plus résiliente et à échelle humaine puisse avoir réellement une chance de se redéployer dans les campagnes du Québec.
« Il faut faciliter la mise en place d’équipements partagés, de cuisines de transformation, d’infrastructures décentralisées et j’en passe pour permettre la conservation en saison morte et faciliter le développement de cette agriculture localement. Il faut amener les acteurs de l’industrie à réfléchir plus loin et à l’extérieur du modèle industriel actuel. »