La prohibition sur la Côte-du-Sud

Entre 1840 et 1930, la tempérance fait couler beaucoup d’encre dans les journaux régionaux. Certains suggèrent toutefois une mesure plus drastique : la prohibition. Comment a-t-on vécu cette période sur la Côte-du-Sud ?

À la fin du 19e siècle, les problèmes liés à la consommation émergent surtout en milieu urbain. Cela s’explique entre autres par une offre croissante de whiskeys britannique et américain. Pour contrer la violence familiale et l’immoralité générées par la consommation excessive d’alcool, les membres du clergé, tel que le curé de Saint-Denis-de-la-Bouteillerie Édouard Quertier (1796-1872), prônent la tempérance. Si certains hôtels ferment à Kamouraska, il semblerait que la fabrication maison de whiskey et d’alambics ait augmenté comme le raconte dans ses Mémoires Jos-Phydime Michaud.

Au début des années 1900, les municipalités sont interpellées par ce problème. Plusieurs d’entre elles adoptent leur propre règlement de prohibition. La mesure touche principalement les propriétaires des petits hôtels de la région. Les habitants de Saint-Pascal l’adoptent dès 1898. En raison des pressions exercées par le clergé, le gouvernement de Lomer Gouin décide en 1919 de prohiber toutes les boissons alcooliques. Se trouvant dans une position délicate face aux pressions exercées par les commerçants, le gouvernement cherchera un compromis. Par plébiscite, le 10 avril 1919, Lomer Gouin invite alors la population à se prononcer sur la prohibition de la vente de la bière et du vin en plus de celles des spiritueux.

De Beaumont jusqu’à L’Islet, les habitants se montrent favorables à la vente de la bière et du vin seulement. Tout le Québec à 78,62 % souhaite un tel compromis. La défaite est totale pour les tenants de la tempérance sauf dans le comté de Kamouraska où la population est divisée. 967 personnes se prononcent contre la vente de la bière et du vin et 942 sont en faveur. Le comté est désormais « sec ». Mais pas pour longtemps. La prohibition tant au Québec qu’aux États-Unis constitue un paradoxe à l’époque puisque cette mesure a entraîné la création de tout un réseau de contrebandiers (bootleggers) le long du Saint-Laurent et dans certaines municipalités frontalières.

Article de journal paru dans le journal Le Peuple de Montmagny, 25 avril 1919.