La Résidence Hélène-Lavoie de La Pocatière a pris les allures de maison de poupées, le 22 septembre dernier. Marie-Claude Bouchard, originaire de La Pocatière, y a tenu un atelier de poupées reborn avec une vingtaine de résidents, à la fois curieux et séduits par leur réalisme, suscitant au passage toute une panoplie de souvenirs chez plusieurs d’entre eux.
Un engouement, mais également des préjugés viennent encore avec les poupées reborn. Utilisées depuis toujours dans le milieu du cinéma, elles s’infiltrent aujourd’hui dans le quotidien d’adultes pour diverses raisons, à la fois futiles ou thérapeutiques.
« Des hommes de tous les âges vont jouer avec des voitures téléguidées, mais des femmes adultes qui se promènent avec des poupées reborn se sentent encore jugées. Celles qui le font vont mettre souvent des écriteaux “poupée thérapie” autour du cou de leur bébé pour ne pas susciter la controverse », dénonce Marie-Claude Bouchard, qui ne comprend pas ce double standard.
La Pocatoise d’origine, aujourd’hui basée à Saint-Zacharie dans la région de la Beauce, est de celles qui défend justement l’usage thérapeutique de ces « bébés » dont le réalisme a de quoi surprendre. Depuis deux ans, elle a bâti son entreprise les 1000 câlins de Marie en offrant notamment des ateliers dans les résidences pour aînés.
Armée d’une douzaine de poupées reborn, elle stimule la mémoire des résidents, dont certaines souffrent parfois de troubles cognitifs.
« À moins qu’elles soient complètement Alzheimer, les personnes âgées voient bien qu’il s’agit d’une poupée. Chaque fois, elles embarquent dans le jeu et elles se mettent à me raconter leur souvenir », avoue Marie-Claude.
Hommes comme femmes se laissent attendrir par les bébés de Marie, comme s’il s’agissait d’un atelier de zoothérapie. Maurice Anctil, 84 ans, est de ceux-là.
Avant même que l’atelier ne débute, Marie-Claude Bouchard l’a interpellé pour lui demander de porter Anaïs, réputée être parmi les poupées les plus lourdes de sa collection. « Vous me semblez avoir de bons bras, a-t-elle dit. Mon bébé est quand même assez lourd, vous voulez le porter? ». Une quinzaine de minutes plus tard, M. Anctil était toujours assis avec la poupée sur lui, la berçant tranquillement avec plaisir.
« J’ai eu trois enfants; un garçon et deux filles. Quand j’arrivais le soir, je berçais mes enfants, en les gardant sur moi. J’adorais ça », a-t-il confié.
Ce genre de souvenir fait chaud au cœur à entendre pour Marie-Claude Bouchard, dont plusieurs identiques lui ont été partagés ces deux dernières années dans les résidences pour aînés qu’elle a visitées.
« C’est bon pour stimuler la mémoire, mais également pour calmer l’anxiété. Mes poupées reborn sont pesantes. Quand on les dépose sur les gens, elles ont le même effet qu’une couverture lourde, elles apaisent. »
Une situation vécue dans une résidence qu’elle a visitée vient appuyer sa thèse. Alors qu’elle offrait un atelier similaire à celui donné chez Hélène-Lavoie, elle a entendu crier un homme qu’un préposé tentait de coucher à l’aide d’un lève-personne.
L’homme, convaincu que le préposé voulait « attenter à sa vie », s’est calmé à partir du moment où Marie-Claude Bouchard lui a présenté la poupée reborn.
« Je l’ai placée sur lui en lui disant de ne pas crier pour ne pas la réveiller. Quand nous sommes sortis de la chambre, l’homme s’est endormi avec la poupée, en à peine cinq minutes. »
Redonner aux gens
En plus de l’offre de l’atelier, l’entreprise les 1000 câlins de Marie vend des poupées de style reborn confectionnées de A à Z par Marie-Claude Bouchard. L’entrepreneure a ajouté cette corde à son arc le printemps dernier à la suite de la fermeture de sa friperie.
Elle a depuis converti le tout en pouponnière où elle montre aux gens comment ses poupées sont réalisées, un véritable travail de moine.
« Seulement les cheveux, ils sont tous implantés un à un à l’aiguille. La peinture, c’est une dizaine de couches sur couche, avec, parfois, des effets de marbrures », résume-t-elle.
En s’arrêtant à La Pocatière le 22 septembre, Marie-Claude Bouchard souhaitait s’offrir un cadeau : celui de redonner aux gens de chez elle par la tenue de cet atelier offert gratuitement. Mission accomplie, car la participation et les sourires parlaient d’eux-mêmes.
« Ma mère est décédée de la maladie d’Alzheimer en 2008. J’avais trois jeunes enfants à m’occuper à l’époque. En faisant ça aujourd’hui, c’est comme si je donnais ce que je n’ai pu lui offrir à l’époque. C’est la promesse que je m’étais faite pour mes 54 ans, et je la réalise aujourd’hui. »