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Des citoyens s’unissent pour la protection des cabourons

Jean-Marc Vallée. Photo : Marc Larouche

Les cabourons, ces vastes collines boisées qui constituent la signature visuelle et paysagère du Kamouraska, sont menacés. Depuis plusieurs années, la question de leur protection revient fréquemment, sans qu’aucune véritable action concrète en découle. Pendant ce temps, les propriétaires privés peuvent effectuer des travaux de dynamitage, et ainsi modifier le paysage comme ils le veulent, en toute légalité.

Après de récentes opérations de dynamitage sur la rue du Cap, des propriétaires ont signé une lettre adressée au conseil municipal de Saint-André-de-Kamouraska. Ils demandent qu’y soient suspendus les travaux de dynamitage et de déboisement « jusqu’à la vérification de la sécurité et de l’impact de ces travaux sur la rue du Cap ».

Mais il y a un hic. Légalement, personne ne s’entend sur la définition exacte d’un cabouron, et sur ce qui le différencie d’un simple rocher. L’édition 2023 du dictionnaire en ligne La Langue française décrit un cabouron comme « une colline abrupte émergeant de la plaine, particulièrement dans la région du Kamouraska, résultant probablement de l’érosion glaciaire ».

« Nous ne pouvons pas répondre à ça en ce moment. Une étude universitaire se déroule en ce moment, une personne en fait son sujet de maîtrise. Mais ça demande véritablement une caractérisation, donc des études géologiques; il faut décortiquer la matière afin de pouvoir déterminer ce qui différencie un cabouron d’une simple roche », note le préfet de Kamouraska, Sylvain Roy, qui du reste ne sait pas si le sujet de maîtrise pourra être reconnu au plan scientifique. « Nous ne le saurons qu’au moment où ça sera fait. »

La Politique de l’arbre de la Ville de La Pocatière stipule que 41 % des boisés identifiés lors de la caractérisation de la forêt urbaine sont situés sur des cabourons. « Ils représentent une part importante des poumons de la Ville, et contribuent largement à l’indice de canopée du milieu pocatois », lit-on dans le document.

Propriété privée

« Les cabourons se situent presque tous sur des terrains privés. Il est de ce fait très difficile de légiférer, explique le maire de La Pocatière, Vincent Bérubé. Et encore, même si tel était le cas, les propriétaires bénéficieraient fort probablement de droits acquis, leur permettant d’en disposer comme bon leur semble. »

Si l’on désire protéger le couvert boisé des cabourons, ne serait-il pas aussi logique de protéger le sol sur lequel ces arbres poussent? « Il y a déjà un règlement qui protège les cabourons, mais nous avons constaté que c’est une passoire, alors il y a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau », ajoute le maire Bérubé. Tous les élus interviewés à ce sujet sont de bonne foi, mais ne peuvent pas faire grand-chose.

« Ils ressentent un grand sentiment d’impuissance face aux propriétaires privés. Ils sont coincés à travers plusieurs couches de réglementation. On ne peut pas non plus laisser ce poids sur les épaules des propriétaires, et se fier sur leur bonne foi en se disant qu’ils ne couperont pas tout », dit Jean-Marc Vallée, qui a réalisé un dossier complet sur les beautés du Kamouraska, incluant évidemment les cabourons.

« Beaucoup de ces propriétaires viennent de la grande ville, où ils avaient toujours la vue bouchée, poursuit M. Vallée. Une fois installés ici, ils se disent qu’ils n’auront pas encore la vue bouchée, cette fois par des arbres, et ils les abattent. L’un d’eux m’a dit qu’il planterait des feuillus afin qu’il puisse voir le fleuve en hiver. Mais de tels arbres ne poussent pas sur les cabourons. »

Jean-Marc Vallée confirme que les règlements actuels permettent aux propriétaires de cabourons de pratiquement tout faire, incluant fendre en deux une montagne qui est là depuis des millions d’années. « La seule chose qu’ils ne peuvent faire, c’est d’exploiter une carrière, donc de vendre le concassé des cabourons, et encore, ça devient parfaitement légal si le sol est ensuite nivelé. Je sais qu’il sera difficile de protéger les cabourons à 100 %, mais j’ai hâte de voir ce qui sera fait avant ma mort », conclut Jean-Marc Vallée, qui se désole de la rapidité avec laquelle les cabourons disparaissent.

« Il y a au moins une dizaine de terrains privés situés sur des cabourons qui sont dynamités. Et ça avance vite. Une fois que c’est dynamité, c’est fini. On ne peut pas revenir en arrière, ça ne se répare plus. De la roche concassée, tu ne peux pas recoller ça. »

Le préfet de Kamouraska, Sylvain Roy. Photo : Marc Larouche
Le maire de La Pocatière, Vincent Bérubé. Photo : Marc Larouche