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Le festival du torchon

Drapeau lacéré au mât de la halte routière de Saint-Philippe-de-Néri. Photo : José Soucy

Depuis mon arrivée en Côte-du-Sud en 2014, il n’est pas passé une année sans que je fasse allusion aux nombreux cas de drapeaux du Québec en mauvais état sur les mâts des édifices gouvernementaux de juridiction provinciale. Pourtant, même après avoir écrit à maintes reprises sur le sujet, il n’est pas rare de constater que localement, le protocole du drapeau stipulant que celui-ci doit être exempt de déchirures ou de lacérations n’est aucunement respecté.

Récemment, l’endroit arborant un drapeau de piètre qualité qui a attiré mon attention, est celui qui flotte sur le mât de la Halte de Kamouraska, à la hauteur de Saint-Philippe-de-Néri. Imaginez-vous : il lui manque une fleur de lys, mais malgré cela, aucun employé de la voirie n’a pensé le changer. Pourtant, habituellement en période d’élection au Kamouraska, les responsables du ministère des Transports se font un malin plaisir, voire un zèle peu dissimulé d’appliquer la réglementation sur les pancartes électorales, en enlevant certaines d’entre elles sous prétexte qu’elles sont illégales, alors qu’ailleurs, on est beaucoup plus tolérant de ce côté… Bof, qu’est-ce qu’un drapeau, après tout ?

Comme le disait une lectrice d’un de mes textes d’antan sur le sujet : « Ben voyons ! Il y a bien d’autres choses de plus importantes que ça à régler au Québec ! » Tsé, comme si c’était si difficile que ça changer un drapeau sur un mât ? Quoiqu’on m’ait déjà répondu : « On ne veut pas risquer qu’un de nos employés se blesse en allant changer le drapeau ; c’est l’hiver. » Ah ! courage, quand tu me tiens…

Commencer par la base

Dans la saga des tarifs douaniers du président Trump, plusieurs Québécois ont annulé leurs abonnements à des plateformes venant des États-Unis afin de protester contre lesdites mesures, répondant ainsi d’une manière émotive aux attaques commerciales de nos voisins. Certes, je peux comprendre la logique derrière, quoique j’estime que combattre le feu par le feu, dans des circonstances où nos économies sont fortement imbriquées, risque de créer davantage de dommages. Par contre, avant d’agir de la sorte, ne pourrait-on pas minimalement respecter notre drapeau national ?

Si vous êtes déjà allé aux États-Unis, je présume que comme moi, vous avez remarqué l’amour que nos voisins ont pour leur emblème national. Pourquoi ne pas avoir le même comportement ici, avec un des plus beaux drapeaux au monde, en l’occurrence le Fleurdelysé, le nôtre ?

Un drapeau va bien au-delà de sa fonction décorative, puisqu’il incarne l’âme d’un pays, ses rêves et ses défis, et sert de lien visuel et émotionnel pour ses citoyens. Lorsque, collectivement, on ne respecte pas notre drapeau national, on peut aisément s’interroger sur nous-mêmes, et penser que finalement, arborer des drapeaux lacérés nous représente plus qu’on le pense…

Soyons donc fiers, et cessons minimalement d’arborer des drapeaux ressemblant à des torchons. Est-ce que nos élus locaux pourraient en faire une priorité ? Est-ce que notre gouvernement à Québec pourrait minimalement respecter lui-même ses lois en la matière ?

« Un drapeau, c’est un emblème. Un drapeau, c’est un signe de ralliement. Un drapeau, c’est une manifestation de la majorité. Un drapeau, c’est l’illustration du désir de vivre et de survivre. Un drapeau, c’est une preuve comme quoi nous ne sommes pas en curatelle ni en tutelle. Un drapeau, c’est dire que nous sommes quelqu’un, que nous descendons de quelqu’un, que nous voulons vivre notre vie et survivre dans le respect des droits de chacun, en exigeant le respect intégral de nos prérogatives, de nos droits et de nos libertés. Ben, c’est ça, un drapeau ! », avait déclaré Maurice Duplessis, premier ministre du Québec, le 21 janvier 1948 lors de l’adoption de notre drapeau national.

Comme le disait naguère Paul Claudel, poète français, dramaturge et homme profondément marqué par sa foi chrétienne : « Il n’y a que deux choses à faire avec un drapeau : ou le brandir à bout de bras, ou le serrer avec passion contre son cœur ».