Publicité

Coupe forestière : La qualité de l’eau en danger au lac Saint-Pierre

Denis Lévesque sonne l’alarme devant une situation jugée à la fois préoccupante pour l’écosystème et inacceptable pour les riverains. Photo : José Soucy

À Mont-Carmel, la grogne monte autour du lac Saint-Pierre, où une coupe forestière effectuée l’hiver dernier aurait, selon les résidents, gravement nui à la qualité de l’eau. L’association des propriétaires, dirigée par Denis Lévesque, sonne l’alarme devant une situation jugée à la fois préoccupante pour l’écosystème et inacceptable pour les riverains.

« Ce qu’on veut, c’est retrouver notre lac propre. Ce n’est pas compliqué », résume M. Lévesque, établi depuis 25 ans dans le secteur, et aujourd’hui à la retraite.

Une dégradation rapide et marquée

Tout aurait basculé à l’hiver 2024-2025, lorsque des travaux forestiers ont été effectués en amont du bassin versant par le Groupement forestier du Grand-Portage. « À cause de leur coupe de bois, il est descendu un amas de boue par le fossé principal. Le ponceau n’a pas suffi, l’eau a charrié les sédiments directement dans le ruisseau, et tout a fini dans le lac », explique Denis Lévesque au Placoteux lors d’une rencontre aux abords du lac.

Les effets sont visibles à l’œil nu puisque l’eau, auparavant claire, est aujourd’hui trouble. Selon les mesures du ministère de l’Environnement, la clarté serait passée de huit pieds à seulement six pouces. « On ne voit plus le fond de l’eau. C’est devenu brun, on ne peut plus se baigner », déplore le président de l’association.

Des sédiments se sont également déposés un peu partout, réduisant la qualité de l’eau à un point tel que plusieurs qualifient désormais le lac d’impraticable. Autour du lac, 72 propriétés sont directement touchées. « Vois-tu, cette année, il n’y a que peu d’embarcations sur le lac. Tout le monde est au courant, et tout le monde est fâché, surtout du côté de Mont-Carmel », rapporte Denis Lévesque, alors que le lac touche aussi les localités de Saint-Gabriel et de Saint-Pacôme.

Le mécontentement est par ailleurs alimenté par un sentiment d’impuissance. « On a eu des rencontres avec les responsables forestiers. Ils nous disent qu’ils ont respecté les normes. Mais si les normes permettent que des tonnes de bouette se ramassent dans le lac, il y a un problème avec les normes. Le bassin versant du lac Saint-Pierre concentre tous les cours d’eau environnants, et lorsqu’un incident survient en amont, c’est l’ensemble du lac qui en subit les conséquences », affirme M. Lévesque avec aplomb.

Une lutte pour la qualité de vie

Au-delà des impacts environnementaux, c’est toute une communauté qui se sent lésée dans sa qualité de vie. « Le lac, c’est notre poumon. On vient ici pour la nature, pour se baigner, pour se reposer. Aujourd’hui, on ne peut pratiquement plus mettre les pieds dans l’eau », déplore-t-il.

Certains craignent aussi pour la valeur de leur propriété, alors que la réputation du lac comme plan d’eau propre est mise à mal.

Démarches en cours

Le Groupement forestier du Grand-Portage s’est engagé par écrit à freiner rapidement l’afflux d’eau brune dans le lac Saint-Pierre en mettant en œuvre un plan d’action en plusieurs phases. À court terme, il est prévu de stabiliser les sols forestiers, de réduire la sédimentation par des installations de paille, de réparer les infrastructures comme les ponceaux, et de végétaliser les zones touchées.

À moyen terme, des travaux sont envisagés pour nettoyer les ruisseaux et les ponceaux obstrués, installer des bassins de rétention et des barrières de sédimentation, et restaurer les terrains. À long terme, l’objectif est de revitaliser la flore et la faune du lac, tout en développant de meilleures pratiques pour éviter d’autres épisodes de pollution. L’ensemble des interventions devrait respecter les règles de l’art, la déontologie professionnelle, et les règlements environnementaux en vigueur.

Toutefois, à ce jour, le plan d’action avec échéancier fait du sur place. « Les actions prévues à court terme ont été réalisées, mais le dossier progresse lentement en raison de délais du côté du ministère, où le processus semble achopper. Une rencontre est prévue prochainement avec les parties prenantes afin de faire avancer les choses. Pendant ce temps, le Groupement forestier fait son possible », explique Denis Lévesque.

Les explications

Contacté par Le Placoteux, le directeur général du Groupement forestier du Grand-Portage, David Chouinard, a nuancé la situation en réaffirmant que le groupe avait entièrement respecté les normes environnementales dans les travaux.  « Comme à l’habitude, nous avons pris les mesures nécessaires pour ce type d’opération. Si l’eau est ensuite devenue brune, c’est également en raison des pluies torrentielles qui sont tombées ce printemps dans ce secteur. L’eau est passée par-dessus des chemins pour ensuite retourner au lac, ce qui a fortement contribué à la malencontreuse situation », dit-il.

M. Chouinard confirme également, à l’instar de M. Lévesque, que le groupement attend avec impatience les autorisations du ministère de l’Environnement afin de procéder aux phases deux et trois des travaux prévus dans leur plan. « On ne peut rien faire tant et aussi longtemps que le ministère ne nous aura pas donné son aval pour la poursuite des travaux. Toutefois, je peux vous assurer de notre entière collaboration avec l’association des propriétaires du lac Saint-Pierre dans ce dossier », ajoute M. Chouinard.

Les élus

L’association des propriétaires a par ailleurs contacté le député de Côte-du-Sud Mathieu Rivest, de même que le député fédéral Bernard Généreux. « Le dossier est sur leur bureau depuis très récemment. On leur laisse un peu de temps pour réagir, mais nous, on ne va pas lâcher », assure-t-il.

En attendant des actions gouvernementales, les citoyens tentent de limiter les dégâts par leurs propres moyens. Membranes de rétention, aménagements de roches pour filtrer l’eau, nettoyage des fossés, travaux d’entretien — la mobilisation est constante. « On a même dû poser un nouveau ponceau, parce que l’ancien était complètement bouché par les sédiments. »

Malgré tout, Denis Lévesque et les membres de l’association gardent espoir. « On veut que ça s’arrange. On demande seulement du respect pour notre environnement. Le lac était propre avant. Il peut le redevenir. Mais il faut agir », conclut Denis Lévesque.

Le Groupement forestier du Grand-Portage s’est engagé par écrit à freiner rapidement l’afflux d’eau brune dans le lac Saint-Pierre. Photo : Denis Lévesque
Des sédiments se sont déposés, réduisant la qualité de l’eau à un point tel que plusieurs qualifient désormais le lac d’impraticable. Photo : Denis Lévesque