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Lettre d’amour à ma ville culturelle : Ode à mon village

Christian Bégin. Photo : Mélanie Doré

Cher Saint-Germain-de-Kamouraska,

Découvrabilité.

Accessibilité.

Médiation culturelle.

Rayonnement.

Innovation numérique.

Écosystème culturel.

ADN culturel…

Encore des mots, toujours des mots, « rien que des mots », chantait Dalida. Bon, la citation n’est pas tout

à fait exacte, mais l’idée est là.

Ces mots-là, on les plante avec complaisance, opportunisme, d’une manière un peu forcée — « à la

crowbar », comme on dirait chez nous. Des mots plantés dans une terre stérile, asséchée. Des chants de

sirènes pour attirer les gens et les sous, les gens qui ont des sous, ceux qui décident de ce qui doit être

soutenu, vu, diffusé.

Les mots d’une culture standardisée, étrangers — pour vrai ! — à ce qui grouille dans tes terres, mon

village.

Quand on lit l’histoire de Saint-Germain-de-Kamouraska, on comprend vite qu’on a affaire à une

histoire d’entêtés, de rebelles, de têtes de cochon qui se sont battus pour qu’au milieu des cabourons

s’élève, modeste et fier, pugnace et intemporel, ce minuscule village où la culture, dans toute sa

diversité, dans toutes les multiples façons qu’elle s’invente, se décline et se déploie, est au cœur d’une

identité singulière, d’une résistance intime.

Son histoire commence comme un poème, un manifeste de désobéissance. Ici, la culture n’est pas

tombée du ciel : elle jaillit de la terre, de la patience, de la détermination d’une gang d’indociles… et

c’est resté !

On jase, là :

Du Symposium de peinture, qui fête ses 30 ans cette année, né dans la tête d’un agriculteur érudit et

malcommode pis de sa gang d’allumé·e·s…

Du cirque en plein air, agrippé aux flancs d’une paroi rocheuse, magnifiée par les exploits d’artistes

suspendus dans le vide, lucioles dans la nuit de ce village d’irréductibles…

D’un petit café ressuscité après des années de jachères, devenu halte gourmande, écrin de beauté, où

ça sent le bon pain et l’amour…

D’un miracle de résurrection encore, alors que l’église — cette église dressée malgré les foudres et les

excommunications de l’Évêché — abrite aujourd’hui Le Rebond (pouvait-on choisir meilleur nom !!!),

centre multidisciplinaire, école de cirque, gym d’escalade, atelier de céramique, salle d’entraînement…

Du Théâtre des Prés, vibrant et intime, où l’on danse des sets carrés toutes générations confondues, où

des artistes de partout — accueillis comme nous seuls on sait le faire, vous demanderez ! — viennent

nous éblouir de leurs talents, où la démocratie s’installe une fois par mois, au moins, pour les

assemblées municipales…

Et de la multiplication de petites fermes, de petites entreprises agricoles obstinées, qui travaillent côte

à côte à nommer et nourrir le Doux Pays.

Tu es grand et vaste et indomptable, mon petit village.

Dans un monde « désâmé » — pour citer Patrice Desbiens —, tu résistes, acharné et fier, et tu n’as que

faire des mots fonctionnarisés de la culture.

À peine 300 âmes, un petit petit village… et pourtant, un grand lieu de nature, de culture et de

possibles !

Et la Terre qui m’accueillera à la fin, comme elle m’a accueilli quand je ne savais encore rien d’elle, ni de

la flamme qui l’anime, ni des gens qui la font.

Elle est où la culture ?

Chez Nous…

Partout…

Christian Bégin

Acteur, scénariste, réalisateur et animateur

Ce texte a été écrit à l’invitation du réseau Les Arts et la Ville et de ses partenaires à l’occasion de la campagne municipale 2025.