Publicité

Le cynisme des intérêts

Photo : Wikipédia

On ne peut pas dire que l’actualité politique provoque un enthousiasme senti auprès de la population en général. Le vaudeville à l’Assemblée nationale, mettant en vedette le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS) avec leurs problèmes internes, n’aide également pas à une baisse du cynisme chez les citoyens. Mais pourquoi donc sommes-nous aux prises avec de telles situations ?

Imaginez-vous, Marwah Rizqy a été expulsée du caucus libéral après avoir congédié sa cheffe de cabinet sans en aviser Pablo Rodriguez, un geste que le nouveau chef du PLQ a qualifié de véritable bris de confiance. Le problème, c’est qu’on ne sait pas vraiment de quoi il s’agit, et qu’en plus, des allégations ont émergé selon lesquelles certains militants ou sympathisants auraient reçu des sommes d’argent (brownies) pour appuyer la candidature de Pablo Rodriguez.

Questionné à maintes reprises sur cette saga, Pablo Rodriguez a affirmé ne pas avoir encore pu parler avec Marwah Rizqy, et également ne pas connaître ses raisons pour le renvoi de Geneviève Hinse. Par contre, Rizqy a déclaré ceci : « Si Pablo Rodriguez ou le nouveau chef parlementaire André Fortin jugent que ma décision n’était pas la bonne, ils ont tout le loisir de réembaucher l’ex-directrice de cabinet. »

Le Parti libéral avait pourtant recommencé à monter dans les sondages. Lui qui est en reconstruction depuis 2018, et sur qui l’odeur de corruption commençait à s’évaporer, le voilà aux prises avec une histoire de brownies, où les votes pour Pablo Rodriguez à la dernière course à la chefferie du PLQ auraient été achetés, du moins pour certains, à coups de 100 $… Dommage pour ce parti, mais l’histoire des brownies, si elle s’avère, pourrait coller fort longtemps à cette formation politique, rappelant que plus ça change, plus c’est pareil au Parti libéral… Rien encore ici pour diminuer le cynisme de la population envers sa classe politique.

Vincent Marrissal

Le 22 novembre dernier, Vincent Marissal annonçait qu’il quittait Québec solidaire pour siéger comme député indépendant à l’Assemblée nationale, évoquant un malaise grandissant au sein du parti où, dit-il, il ne se reconnaissait plus « sur le fond et la forme ». Marissal reproche à QS une dérive qu’il qualifie de « radicalisation » et d’« ingouvernabilité », ainsi que la position du parti, dont le soutien aux grévistes lors du conflit à la STM l’aurait profondément déçu. Il souligne enfin l’incohérence entre sa propre conviction souverainiste, et ce qu’il percevait comme un manque d’accent sur la question de l’indépendance au sein de QS.

Sincèrement, je ne peux qu’être d’accord avec lui sur le constat concernant Québec solidaire. Toutefois, il a également admis avoir eu des discussions avec le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, de sorte qu’il pourrait porter les couleurs du PQ dans Rosemont aux prochaines élections.

Oui, je veux bien, mais il avait aussi déjà songé à se présenter pour le Parti libéral du Canada avec Justin Trudeau, souhaitant en sus se voir attribuer un comté facile. État de fait, rappelons-le, qu’il a d’abord nié avant de l’admettre… Son nom a également circulé pour la mairie de Montréal, sans dire qu’il avait naguère déjà pris une bière avec le regretté Jack Layton pour une possible candidature…

Par ailleurs, sans entrer dans les détails, Vincent Marrissal n’en est pas à ses premières contradictions. C’est un homme qui, avouons-le, n’est pas un mauvais parlementaire, mais soyons encore plus honnête, c’est difficile de croire qu’il suit ses convictions ! À moins que ses convictions se résument essentiellement à ses propres intérêts ? Entre-temps, il magasine…

Jean Chrétien

Dans une entrevue accordée au Journal de Québec, Sergio Marchi — ministre fédéral de l’Immigration de 1993 à 1996 — a confirmé que le premier ministre Jean Chrétien lui avait demandé d’accélérer le traitement des demandes de citoyenneté en prévision du deuxième référendum sur l’indépendance du Québec.

Lors des cérémonies des nouveaux arrivants, Ottawa insistait fortement sur l’unité du Canada, la loyauté envers le pays d’accueil, et la responsabilité civique de « protéger » ce modèle. Les juges de citoyenneté parlaient d’un Canada « indivisible » et stable, tandis que les guides remis aux nouveaux citoyens présentaient l’unité canadienne comme une valeur fondamentale. Sans dire pour qui voter, ce message créait un climat où la position fédéraliste apparaissait comme la voie naturelle et responsable.

Le gouvernement fédéral a également réussi à cette époque à contourner la Loi sur la consultation populaire du Québec, en finançant et en orchestrant une série d’actions qui échappaient entièrement au contrôle du Directeur général des élections du Québec. Ottawa a notamment utilisé des fonds publics pour soutenir l’organisme Option Canada, qui menait des activités pro-Non sans être inscrit comme comité officiel, lui permettant de dépenser sans limites ni reddition de comptes. Le fédéral a aussi investi dans des programmes d’« unité canadienne », engagé des firmes de relations publiques, financé indirectement le Love-In, et diffusé des campagnes publicitaires pro-Canada — autant de dépenses impossibles à encadrer parce qu’elles provenaient directement du gouvernement fédéral, situé hors de la juridiction québécoise.

Avec seulement 54 288 voix de différence entre les deux camps, on peut en effet se poser certaines questions sur la légitimité de la victoire du camp du Non. Toutefois, rien n’est surprenant concernant ces révélations, car en apparence, un pays défend des valeurs, mais en vérité, ce dernier choisit toujours ses intérêts avant les valeurs qu’il prétend défendre… Jean Chrétien était le premier ministre du Canada. L’intérêt du Canada était que le Québec demeure en son sein. Voilà pourquoi Jean Chrétien a agi ainsi. Je sais, c’est cynique, mais c’est pourtant la dure réalité… Que le prochain camp du Oui s’en souvienne…

Les États n’ont pas d’amis – seulement des intérêts

Cette vieille maxime du général de Gaulle résume toute la logique géopolitique : un pays agit pour assurer sa sécurité, sa prospérité, son influence. Un gouvernement peut changer, un allié peut devenir un rival, une situation économique peut basculer, mais l’intérêt national, lui, ne disparaît jamais. Ensuite, parce qu’en géopolitique, la survie passe avant la morale, car un État doit protéger son territoire, ses ressources et ses citoyens. Cela crée une hiérarchie naturelle où les valeurs, aussi nobles soient-elles, s’effacent lorsque la sécurité ou la puissance sont en jeu.

Maurice Duplessis disait que le pouvoir s’exerce dans le silence ou bien dans le mensonge, car personne ne veut savoir la vérité. Malgré cette phrase cynique — mais criante de vérité —, il arrive parfois que des dirigeants sachant bien nager dans ce monde de couleuvres réussissent à obtenir un bilan positif pour leurs nations respectives, même si celui-ci n’est pas sans tache… C’était par ailleurs le cas à bien des égards pour Duplessis, malgré ses nombreux détracteurs. Aujourd’hui, aurions-nous touché le fond, au point de constater que les intérêts personnels font désormais totalement foi de tout dans l’ensemble de notre société ? Si ce n’est pas le cas, on doit s’en approcher drôlement…

Une nation réduite à des individus ne poursuivant que leurs propres intérêts s’avance droit vers sa perte. Sans valeurs partagées, sans repères qui unissent et qui guident, aucune société ne peut durer. Les intérêts comptent, oui. Mais si l’intérêt égoïste devient la seule boussole, alors il faut s’attendre à une lente agonie… et elle ne sera pas tendre.

Il faut collectivement retrouver nos balises ! L’intérêt supérieur de la nation doit primer !