Vivre avec un enfant polyallergique

Noémie, Léandre et Nicolas. Photo : Maxime Paradis.

L’histoire de Léandre serait probablement restée dans l’ombre longtemps si ce n’était de ses parents, Noémie Demers et Nicolas Turmel, qui ont pris la peine de rédiger une lettre de remerciements au CPE La Farandole de La Pocatière pour l’excellent accompagnement que l’équipe a offert à leur fils. À bientôt cinq ans, Léandre porte le titre peu glorieux « d’enfant à besoins particuliers ». Il est polyallergique.

Poly-aller-quoi ? Avouons-le, le terme n’a rien de commun. Une personne polyallgergique souffre d’une multitude d’allergies. Dans le cas de Léandre, ce chiffre s’élève à 11. Imaginez le casse-tête au quotidien pour ses parents.

« J’ai allaité Léandre longtemps. Tout allait bien. À sept mois, on a commencé à lui donner des céréales Heinz. Chaque fois qu’il en mangeait, il avait des rougeurs au visage qui apparaissaient. On a passé aux céréales de riz et c’était le même problème. On a fini par comprendre que le dénominateur commun était la poudre de lait », explique Noémie.

Ce que les parents de Léandre ignoraient à ce moment, c’est que cette allergie aux produits laitiers n’était que le début d’une longue liste d’aliments qui allaient finir par leur causer bien des maux de tête et surtout beaucoup d’inquiétudes au fur et à mesure qu’ils en intégreraient d’autres dans son alimentation. À neuf mois, ils vont même comprendre que les réactions de Léandre à certains aliments peuvent être biphasiques, c’est-à-dire « à retardement ».

« On lui avait donné du yogourt et des œufs, tout allait bien. On l’a couché et il s’est mis à gémir, à vomir en jet. De grosses plaques rouges sont aussi apparues. Je l’ai allaité et ça s’est calmé. C’est là qu’on a su qu’il faudrait toujours le surveiller. »

Ils ont donc tout appris au goutte-à-goutte, au point où Léandre a été conduit en ambulance pas moins de quatre fois, en plus d’avoir été hospitalisé à quelques reprises. L’attente dans le réseau public était telle pour lui faire passer un premier test d’allergies que Noémie et Nicolas ont finalement choisi de prendre le chemin du privé pour accélérer les choses.

« C’était juste avant notre départ pour l’Ouest canadien. On avait tout testé. On avait la confirmation pour le lait, les œufs, les arachides, le tournesol. On a été sept semaines en voyage et on n’a jamais mangé au restaurant. On a eu le malheur de lui faire manger du sésame une fois et il a développé des plaques d’urticaire instantanément. Au retour, on l’a fait tester pour le sésame et on a eu la confirmation qu’il était aussi allergique à ça aussi », raconte Nicolas.

Et ainsi s’allonge depuis la liste pour atteindre le nombre impressionnant de 11 allergies, incluant celle aux chats découverte alors que Léandre s’est mis à respirer comme « une personne âgée faisant de l’emphysème », décrit Noémie. De ces 11 allergies, quatre d’entre elles — lait, œuf, arachides, sésame — sont parmi les 10 principaux allergènes alimentaires. « Il en faut trois pour être considéré comme un enfant à besoins particuliers », poursuit la maman.

Isolement

Alors que Léandre approche les cinq ans et qu’il entrera bientôt à la maternelle, ses parents avouent que leur défi des prochaines années sera de retirer « la bulle de verre » dans laquelle ils ont installé leur fils préventivement. Quand un petit pois devient l’équivalent d’un objet contondant, pour reprendre les propos de Noémie, une forme d’isolement s’installe inévitablement dans le quotidien de la famille.

« Maintenant que Léandre parle, ça nous aide beaucoup. Si quelque chose ne va pas, il peut nous le dire », souligne Noémie.

Parents de trois autres enfants, Noémie et Nicolas ont dû néanmoins adapter l’alimentation de toute la fratrie en conséquence, et pas toujours avec plaisir. Un de leur plus vieux fils adore le fromage et la pizza est probablement son menu préféré. « On fait manger Léandre avant et après on prépare un autre menu. C’est comme ça qu’on le gère, autrement on ne pourrait jamais faire plaisir aux plus vieux », ajoute Nicolas.

Un réfrigérateur contenant les « allergènes » dangereux pour la santé de Léandre a été installé dans le sous-sol. Le nettoyage régulier des mains est aussi une habitude qui était intégrée bien avant la COVID-19. Les amis des frères et sœurs de Léandre ont aussi été sensibilisés à sa condition afin d’éviter une situation où des simples M&M apportés par l’un d’entre eux ne se retrouvent à traîner quelque part dans la maison, ce qui est déjà arrivé, indique Nicolas.

Quant aux amis des parents, la sensibilisation a aussi été nécessaire. Le couple ayant l’habitude de recevoir chez lui, la politesse voulant que les invités apportent un plat à déguster n’est plus possible. Une sortie en camping entre familles n’a d’ailleurs pas manqué de causer tout un émoi alors que Léandre s’est retrouvé en choc anaphylactique après avoir ingurgité un bleuet qu’il avait probablement ramassé dans la pelouse, se souvient Noémie.

« C’était un bête accident qui n’est pas la faute de personne et qui nous rappelle que le risque zéro n’existe pas. On cuisine donc pour tout le monde, c’est la seule façon de contrôler l’environnement le plus possible et d’éviter que des traces d’allergènes ne s’infiltrent là où on ne s’y en attend pas », mentionne le papa.

Par chance, Nicolas est cuisinier de profession. « Ça aide », dit-il. La contamination croisée, il connaît, et cuisiner de A à Z à partir d’aliments bruts ne lui fait pas peur plus qu’il ne le faut, même s’il avoue que cette routine est très exigeante. Quant à Noémie, sa profession d’infirmière fait qu’elle a une expertise plus qu’appréciable en situation de crise.

« Mais quand tu es rendue à administrer de l’adrénaline à ton enfant qui est en choc, c’est tellement inhabituel que tu le deviens en choc toi aussi, c’est inévitable », s’exclame-t-elle.

Ils se demandent néanmoins comment font des parents, sans leurs habiletés professionnelles, dans pareilles circonstances. « J’imagine que tu ne te poses pas trop de questions. Quand c’est ton enfant, c’est plus fort que toi, tu veux toujours son bien-être. T’as pas le choix, tu t’adaptes », conclut Nicolas.