Violence conjugale : Manque de financement pour les organismes d’aide aux femmes

Photo : Hanna Postova (Unsplash.com)

Les organismes venant en aide aux femmes victimes de violence conjugale ont désespérément besoin d’argent, les besoins étant plus importants que jamais en cette période pandémique marquée par une série de féminicides. En réponse à leurs appels, une somme de 222,9 M$ a été débloquée vendredi par le gouvernement du Québec.

Au Centre-femmes La Jardilec de Saint-Jean-Port-Joli, le manque de financement ne date pas d’hier. La coordonnatrice Christiane Bourgault mentionne que l’organisme n’a pas connu de rehaussement de financement depuis 15 ans, sinon l’indexation qui tournait autour de 0,9 % ou 1,2 % selon les années.

« Quand l’augmentation du coût de la vie tourne autour de 2 % par année, c’est carrément un appauvrissement. On a eu droit à 12 000 $ en fonds d’urgence l’an dernier, mais qui n’est pas récurrent », s’empresse-t-elle de préciser.

Depuis la 2e vague de la COVID-19, les demandes d’aide ne cessent d’affluer au Centre-femmes La Jardilec. « Environ 50 à 60 % d’augmentation », précise Christiane Bourgault. De ces demandes, 80 % sont liées à des cas de violence conjugale ou de violence post-séparation, les centres de femmes étant souvent la porte d’entrée pour les victimes de violence conjugale à la recherche d’aide, poursuit-elle.

« Ça ne dérougit pas. On est quatre pour couvrir le territoire des MRC de L’Islet et de Montmagny, mais il faudrait être au moins trois ressources de plus. On ne refuse personne, on n’a pas de liste d’attente, mais on travaille beaucoup plus qu’avant. »

Havre des Femmes

Non loin de là, à L’Islet, le Havre des Femmes qui offre un service d’hébergement aux victimes de violence conjugale et leurs enfants précise que ce type de demandes n’a pas augmenté avec la pandémie ni depuis la forte médiatisation des cas de féminicides au Québec. « La maison est pleine, on n’a pas vu d’explosion. La demande demeure stable, mais élevée », précise Karine Boutin, intervenante jeunesse et agente de sensibilisation pour l’organisme.

Le confinement a de pervers que les victimes de violence conjugale passent davantage sous les écrans radars en raison de leur isolement qui se trouve accentué et le fait que leurs agresseurs sont moins réactifs aux stimulus extérieurs qui servent de justification au contrôle excessif qu’ils exercent sur elles. « Quand le déconfinement sonne et que les femmes reprennent une vie relativement normale, les conjoints perdent le contrôle sur leurs conjointes et c’est là qu’on observe une recrudescence de la violence », explique l’intervenante.

Là également, plus de financement ne ferait pas de tort, d’autant plus que le Havre des femmes offre une panoplie de services outre celui de l’hébergement, comme de la consultation externe et de l’accompagnement à la cour pour les femmes. Il faut toutefois voir plus large, insiste Karine Boutin.

« Souvent, avant d’aboutir dans nos services, les femmes se sont tournées vers d’autres ressources comme la police, la DPJ, mais elles n’ont pas été crues ou écoutées. Il faut que ça change », insiste l’agente de sensibilisation.

Budget bonifié

En réponse aux 10 féminicides survenus depuis le début de l’année au Québec, le gouvernement Legault a décidé la semaine dernière de bonifier de près de 223 M$ l’argent prévu dans son récent budget pour la lutte à la violence conjugale. L’argent sera investi sur une période de cinq ans.

De ce montant, 92 M$ sont destinés aux maisons d’hébergement pour femmes. Une part sera aussi accordée aux services d’aide destinés aux hommes. Il est aussi prévu un meilleur soutien financier aux maisons de « deuxième étape » où les femmes sont accueillies pour y reconstruire leur vie. La création d’équipes spécialisées en violence conjugale au sein des corps policiers est aussi au programme avec pour mandat d’accentuer la prévention dans les communautés autochtones.

Par communiqué, Le Havre des Femmes a signifié accueillir avec enthousiasme ces « nouveaux engagements du gouvernement qui ouvrent la voie à une réponse plurielle et à des actions concertées pour renforcer le filet de sécurité autour des femmes ».

Lecture complémentaire : Liste d’attente chez Trajectoires Hommes