En région, nous sommes tous entourés d’agriculteurs. Même si nous ne sommes pas tous agriculteurs, l’agriculture nous touche tous de près.
Tout le monde connaît maintenant l’agronome Louis Robert, qui a été congédié, puis réengagé, par le ministère de l’Agriculture après avoir dénoncé le fait que les vendeurs et utilisateurs de pesticides avaient empêché la publication d’une étude, financée par le gouvernement, qui démontrait noir sur blanc que le puissant pesticide rose tueur d’abeilles (néonicotinoïde), qui enrobe désormais toutes les semences de céréales, est complètement inutile.
Dans le livre qu’il vient de publier, Pour l’amour de la terre, l’agronome Robert ajoute qu’il a découvert que les agronomes au service des compagnies qui vendent les engrais chimiques recommandent des quantités de phosphore trois fois supérieures ici qu’en Ontario et dans les États américains voisins, pour des résultats comparables : un coût inutile de 18 millions $ pour les agriculteurs chaque année. Et ce surplus de phosphore, qui ne peut être absorbé par les plantes, s’en va dans nos cours d’eau et nos lacs où il fait pousser les fameuses algues bleues vertes qui les font mourir. Ce sont ces mêmes agronomes liés aux compagnies d’intrants qui recommandent l’usage de pesticides inutiles et dangereux comme les arrosages de Roundup quelques jours avec la récolte des céréales pour les faire sécher.
L’agronome Louis Robert a aussi démontré que si on adoptait d’autres façons de cultiver, basées sur la vie des sols, la plupart des pesticides utilisés présentement deviendraient vite inutiles et tout le monde s’en porterait mieux.
Or la culture des céréales occupe plus de 60 % des terres puisqu’elle sert à nourrir les animaux que nous consommons ou que nous exportons, tels nos huit millions de porcs annuels dont 70 % sont exportés. C’est toute notre agriculture et tout notre territoire qui est en cause.
L’agronome Robert, au cours de ses trente ans au service du ministère de l’Agriculture et des agriculteurs, a découvert que des compagnies qui vendent les engrais chimiques, les pesticides, les semences et la machinerie agricole font des pressions systématiques sur les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, sur les chercheurs, sur les services-conseils aux agriculteurs, sur ceux qui élaborent les guides de fertilisation, sur les agronomes à leur emploi, sur les dirigeants de syndicats d’agriculteurs affiliés à l’UPA, dans le but de faire augmenter leurs ventes, même au détriment des agriculteurs, des sols, de l’environnement. Ces compagnies d’intrants, écrit Louis Robert, sont comme une meute de loups, mais ceux qui leur laissent la porte de la bergerie grande ouverte le soir, ce sont les dirigeants du ministère de l’Agriculture, de l’Ordre des agronomes et des syndicats UPA qui sont pourtant censés protéger le public et les agriculteurs. Le cas des « agronomes liés » à ces compagnies d’intrants, qui sont « en conflit d’intérêt institutionnalisé », selon l’expression de Louis Robert, est particulièrement inquiétant.
Nous payons très cher la mainmise de ces compagnies d’intrants sur notre agriculture : les agriculteurs d’abord, qui sont pour ainsi dire pris en otage, mais nous tous également, car nos gouvernements compensent en partie les agriculteurs pour leurs coûts de production excédentaires et ils doivent aussi payer pour les dommages causés à notre environnement et à notre santé par l’abus de ces produits chimiques. Nous devons exiger que ceux que nous choisissons et payons pour nous protéger mettent fin à cette complicité avec les loups qui s’enrichissent à nos frais.