Analyse : Où sont allés les votes de la CAQ ?

Mathieu Rivest a été élu sous la bannière de la Coalition Avenir Québec (CAQ) dans Côte-du-Sud avec 16 116 votes face à son plus proche rival Frédéric Poulin du Parti conservateur du Québec (PCQ). Aussi écrasante soit la victoire, la vérité est que le caquiste a moins bien fait que sa prédécesseure Marie-Eve Proulx en 2018.

L’écart n’a rien de gigantesque, 1479 votes en moins. Avec une avance de 8206 voix sur Frédéric Poulin, Mathieu Rivest avait largement de la place pour trébucher.

Difficile néanmoins de passer sous silence presque 1500 votes en moins, alors que la CAQ a balayé le Québec et que le taux de participation en Côte-du-Sud a été plus fort cette élection-ci avec près de 2 % de plus. Au final, c’est comme si cette progression de la participation — qui s’exprime par 1449 voix de plus qu’il y a quatre ans — avait complètement échappé à la CAQ.

La question est donc la suivante : où sont allés ces votes supplémentaires, absents de l’urne en 2018, ainsi que les 1479 en moins pour la CAQ ? En plaçant la loupe sur les résultats obtenus hier, certains constats peuvent être tirés, même si aucune certitude n’existe.

Dynamiques

Pour bien comprendre comment les électeurs de Côte-du-Sud se sont comportés, il est important de rappeler que les deux seuls partis qui ont enregistré des gains cette élection-ci sont le PCQ et le Parti Québécois. La CAQ ayant été à la fois le refuge de la droite économique et des « souverainistes mous » à la dernière élection, il y a fort à parier que les 1479 voix récoltées en moins se sont essentiellement partagées entre ces deux partis.

D’abord pour le Parti Québécois, ses gains viendraient à la fois de la CAQ et de Québec solidaire. À gauche, il aurait pigé l’équivalent de 406 voix, la perte enregistrée par QS par rapport à l’élection précédente. Ce vase communicant entre les deux partis s’explique d’une part par un programme plus social-démocrate pour le PQ, combiné à une excellente campagne nationale du chef Paul St-Pierre Plamondon.

L’autre gain du PQ pourrait être venu des 1479 voix en moins accordées à la CAQ. Cette « rentrée au bercail » d’anciens indépendantistes — autour de 595 voix — se calcule par la soustraction des votes en moins à Québec solidaire des 1001 appuis supplémentaires obtenus par Michel Forget.

Reste maintenant 884 votes du 1479 à attribuer. Selon toute vraisemblance, ces voix seraient allées au PCQ. Aussi, tout porte à croire que les conservateurs se seraient nourris d’anciens électeurs du Parti libéral du Québec (PLQ). Cette possibilité est d’autant plus plausible que les prises de position du candidat libéral Sylvain Lemieux, qui ressemblaient à plusieurs égards à des propositions conservatrices — le troisième lien, notamment —, aient incité surtout les gens de Montmagny à octroyer leur vote au « local » Frédéric Poulin de L’Isle-aux-Grues.

Il suffit d’ailleurs de regarder les résultats obtenus par les libéraux en 2018 pour s’en convaincre : 7212 voix contre 2132 appuis cette année, une différence de 5080 votes. Les conservateurs, quant à eux, récoltaient des miettes en 2018 avec 575 votes. Cette année, le gain est de 7335 voix. Coup de pouce des libéraux orphelins ? En partie, mais aussi des derniers 884 votes caquistes en moins à ventiler.

Il n’en demeure pas moins que Frédéric Poulin a récolté 7910 votes. En additionnant la base conservatrice de 2018 aux votes libéraux et de la CAQ en moins de 2022, on obtient 6539 voix. Or, 1449 personnes de plus ont voté cette année, un électorat qui était peut-être démobilisé en 2018, mais qui s’est senti interpellé cette année par la présence de l’alternative conservatrice. En soustrayant le vote autonomiste (164) et les bulletins rejetés (456), les conservateurs ont peut-être réussi à mobiliser 829 voix supplémentaires, ce qui demeure encore insuffisant pour atteindre les 7910 voix obtenues, mais qui dans l’ensemble fournit une hypothèse d’analyse du comportement adopté par les électeurs le jour du scrutin.

Conclusion

Dans tous les cas, même si cette diminution est tout sauf catastrophique pour la Coalition Avenir Québec en Côte-du-Sud, il est évident qu’un certain nombre d’électeurs lui ont tourné le dos le 3 octobre, probablement en raison d’un bilan mitigé, gracieuseté de l’ancienne députée Marie-Eve Proulx. Si Mathieu Rivest a possiblement sauvé les meubles in extremis, il n’est pas faux de penser que les pertes auraient pu être plus importantes si l’ancienne députée caquiste ne s’était pas retirée à la veille du déclenchement des élections, tout pour alimenter les rumeurs les plus folles au sujet des vraies raisons derrière sa décision de se désister.