Ces cantines atypiques : Une touche de Mexique dans un village de 500 habitants

Eve-Andrée Lacombe et Philippe Martin. Photo : Maxime Paradis.

L’audace du projet n’avait d’égal que son originalité. Ouvrir une cantine spécialisée dans les tacos dans un village de 500 habitants où aucun autre restaurant n’a pignon sur rue ? Eve-Andrée Lacombe et Philippe Martin ont osé le faire et ils ont visiblement réussi leur pari. Et pour eux, il s’agit que du début d’une belle histoire au cœur de Saint-Denis-De La Bouteillerie.

Eve-Andrée et Philippe sont deux cuisiniers de formations qui disent venir d’un peu partout au Québec, tellement ils ont bougé au fil des ans. Avant d’atterrir dans la région, ils travaillaient tous les deux dans les cuisines d’une mine dans le Nord-du-Québec, là où ils sont tombés amoureux. Ils ont ensuite emménagé à Saint-Bruno-de-Kamouraska en 2020. Depuis juin dernier, ils opèrent une cantine de tacos à Saint-Denis-De La Bouteillerie.

« Ça faisait longtemps que je rêvais de partir mon “taco shop”, mais avoir le rêve ne suffit pas, il faut se lancer, être entrepreneur. Ça, c’est plus le côté à Philippe. Il a pris le projet en charge et il m’a aidé à le structurer. C’était salutaire, car ça m’a donné le temps de me concentrer sur les recettes », raconte Eve-Andrée.

À la recherche d’une opportunité en bordure du fleuve, ou d’un endroit isolé dont le bouche-à-oreille se serait chargé de faire connaître, le couple a finalement flanché pour ancien casse-croûte au cœur du village de Saint-Denis-De La Bouteillerie. Ils ont néanmoins réussi à donner cette petite ambiance de « shack mexicain en bord de mer », avec ses lumières extérieures en guirlandes et sa peinture de couleur pastel. Et par la nature nichée de leur proposition, leurs clients viennent finalement d’aussi loin que Saint-Jean-Port-Joli ou même Rimouski.

« On voulait surtout recréer une ambiance bon-enfant, familiale. Avec terrain gigantesque en arrière qui offre une superbe vue sur les champs, les tables à piquenique et le carré de sable, je crois qu’on y est parvenu. Cette année, on prend le temps de s’installer, d’ajuster notre horaire et notre menu, mais dans le futur, ce qu’on veut c’est que ça soit animé comme endroit, festif, que les gens viennent et ne se sentent pas pressés de partir. On vend quand même de la bière », souligne Philippe.

Pari réussi

Après à peine six semaines d’ouverture, force est de constater qu’El’Drée Tacos a réussi à faire son nid dans la communauté. De bons liens ont déjà été noués par Eve-Andrée et Philippe avec leurs voisins agriculteurs qui ont « sauvé leurs platebandes », disent-ils, et qui apportent de la coriandre fraîche de leurs jardins à l’occasion. Avant même d’ouvrir, le couple a aussi été très bien accueilli par le comité de développement de l’endroit, et une belle complicité s’est développée avec la Maison de Jean-Baptiste, un gîte et café situé dans l’ancien presbytère de Saint-Denis-De La Bouteillerie, à quelques pas à peine de leur cantine.

Le couple semble aussi avoir réussi à imposer une cuisine atypique dans un village d’apparence « conservateur » sur le plan alimentaire. Si certains clients les questionnent encore à savoir s’ils ont des frites au menu, ceux qui essaient leurs tacos et qui ne repartent pas conquis sont plutôt rares. Les « pouces en l’air » à travers la fenêtre à la fin du repas seraient légion, selon Philippe et Eve-Andrée.

« Ça commence fort et on nous dit que le tourisme est au ralenti. Tant mieux, car on revoit souvent les mêmes visages, et ça, ça veut dire que c’est les gens d’ici qui viennent manger. C’est aussi ce qu’on voulait que les gens de la place s’approprient notre cantine », poursuit Eve-Andrée.

El’Drée

Signe qu’El’Drée Tacos respecte quand même bien l’esprit d’une cantine québécoise, malgré sa cuisine mexicaine, le nom est en fait le diminutif d’Eve-Andrée, un surnom que lui donnaient ses collègues cuisiniers, masculins pour la plupart, lorsqu’elle travaillait à la mine où elle et Philippe se sont connus. La connotation espagnole du surnom lui a rapidement fait dire qu’elle le reprendrait un jour pour nommer sa cantine de tacos, un peu comme les casse-croûtes québécois qui empruntent souvent le prénom du propriétaire.