Critique : Bébé à bord, un vent de fraîcheur pour le théâtre d’été

Bébé à bord est présentée jusqu’au 2 septembre prochain à la Roche à Veillon. Photo : Courtoisie

Les femmes sont souvent plus impatientes que les hommes à vouloir des enfants; les personnes plus frivoles ne sont pas celles qui cherchent à devenir parents. À l’ère où les codes sexuels et amoureux partent dans tous les sens, les stéréotypes qu’on accole volontiers à la vie de famille, eux, perdurent. La pièce Bébé à bord, présentée cet été à la Roche à Veillon, vient toutefois en décocher quelques-uns.

Philippe est dans la mi-trentaine et habite depuis peu avec sa douce, Christine. Ensemble, le couple a emménagé dans une maison aux mille et une rénovations à compléter, comme on imagine bien un couple de cet âge en acheter une par les temps qui courent, à prix démesuré, cela va sans dire.

Philippe, à l’emploi visiblement plus flexible, s’est engagé à compléter la maison en chantier, pendant que Christine, femme de carrière, est de toute évidence celle qui contribue le plus à renflouer le compte conjoint. Les rôles traditionnels étant inversés, Philippe est celui dont l’horloge biologique se met à sonner en premier. Christine, dont la carrière est prometteuse, n’entend toutefois pas mettre sa vie professionnelle en veilleuse pour mener à terme une grossesse.

Phillipe aurait bien pu ravaler sa pilule en attendant que sa tendre moitié change d’idée, mais l’arrivée de sa belle-sœur Valérie, et de son nouveau conjoint d’environ 30 ans son aîné, Alain, viendra tester son désir réel de paternité. Car voilà que ce couple drôlement assorti désire avoir un enfant plus que tout, chose qui est impossible en raison de la vasectomie d’Alain. Mais Valérie, qui a une opinion plus que positive de Philippe, voit en son beau-frère le géniteur parfait… un détail qu’elle se garde bien de communiquer à sa sœur Christine, qui de tout temps l’a perçue comme une personne immature et irresponsable, donc tout sauf une mère en devenir.

Critique

Bébé à bord est la première pièce à laquelle Le Placoteux a assisté à la Roche à Veillon de Saint-Jean-Port-Joli depuis Gym Tonic en 2018. À l’époque, nous avions souligné l’originalité de cette pièce qui avait osé sortir des histoires de famille et des décors de maison qui sont en temps normal la marque de commerce du théâtre d’été.

Par son synopsis et ses décors, Bébé à bord semble être un recul, mais la trame narrative moderne de la pièce, plus en phase avec la réalité des trentenaires d’aujourd’hui, montre qu’il est possible de faire évoluer le genre sans pour autant s’éloigner des codes qui rendent la recette infaillible depuis des décennies. Le couple intergénérationnel d’Alain et Valérie, et celui à la fois conventionnel et non traditionnel de Christine et Philippe sont autant d’avenues rarement exploitées dans le théâtre d’été d’aujourd’hui, et qui font mouche dans le contexte de la pièce.

L’humour burlesque, autre étiquette souvent attachée au théâtre d’été – pour le meilleur et pour le pire! –, est aussi mieux balancé, signe que le genre — et le public? — évolue. Les textes de Claude Montminy, appuyés par l’impeccable mise en scène de Carol Cassistat, suffisent à faire rire bien avant que les acteurs ne soient amenés à jouer de manière plus « physique », comme le voudrait la tradition. Quelques exemples : les phrases complétées par un personnage qui fait irruption hors contexte dans une discussion déjà entamée par d’autres; le retour en arrière au son d’une cassette rembobinée, au début de la deuxième partie; la finale en plans statiques qui changent à chaque allumage de projecteurs.

Les comédiens – jamais vus par le passé sur la scène de la Roche à Veillon – apportent avec eux une touche de fraîcheur qui accentue la crédibilité de leurs personnages. Tous – Lauréanne Dumoulin (Valérie), Jocelyn Paré (Philippe), Catherine Côté (Christine) et Sébastien Dorval (Alain) – brillent à un moment ou l’autre de la pièce. Lauréanne Dumoulin et Jocelyn Paré – vus il y a quelques années dans La Truie du Théâtre de la Bacaisse à Saint-Germain-de-Kamouraska – héritent cependant des rôles les plus consistants. La chimie entre eux est telle, dans la deuxième portion de la pièce, qu’elle nous fait même penser un instant à la possibilité d’un autre dénouement pour ces deux protagonistes.

Jusqu’à sa finale, abrupte mais audacieuse, Bébé à bord flirte avec une forme de réinvention des codes du théâtre d’été, même si là n’est pas l’effet recherché. Présentée jusqu’au 2 septembre prochain, cette pièce est une belle offrande pour quiconque cherche bonne humeur et légèreté.