De grandes ambitions pour l’ITAQ, sur fond de baisse d’étudiants

Photo : ITAQ.

Des étudiants qui n’ont jamais été si peu nombreux à La Pocatière ne semblent pas avoir plombé l’envol de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ). Pleine d’ambitions et de projets, la directrice générale Aisha Issa veut même faire de son campus pocatois un leader de la transition agroécologique dans l’Est-du-Québec et le monde nordique.

L’ITAQ est encore jeune, mais les attentes sont élevées, reconnaît Aisha Issa. « Tout le monde s’attendait que dès le 1er juillet 2021, ça serait l’ITAQ toujours promis : celui en avant de la parade, qui roule comme on aurait souhaité il y a dix ans. Ce n’est pas totalement ça et c’est normal, ce genre de transition demande du temps », dit d’entrée de jeu la directrice générale.

Il y a un peu plus d’un an, l’ITA, ancêtre de l’ITAQ, évoluait en tant que direction du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), un carcan rigide qui offrait peu de latitude à l’institution aux yeux de plusieurs. Par l’adoption du projet de loi 77, l’autonomie que tous souhaitaient pour cette institution — une direction générale et un conseil d’administration, au même titre que tous les autres établissements collégiaux de la province — s’est concrétisée.

Un an plus tard, l’envol de l’ITAQ ne fait plus aucun doute, de l’avis de la directrice générale, bien que certaines activités ne soient toujours pas rapatriées du MAPAQ. Au campus de La Pocatière, elle évoque des rapprochements avec Biopterre, le Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ), la Ville de La Pocatière et le Cégep de La Pocatière, signe de ce leadership nouveau dont dispose aujourd’hui l’institution dans le devenir de ses activités et de ses installations. « On a accueilli le marché public cet été. Ce n’est peut-être pas grand-chose aux yeux des gens, mais pour nous, c’est une symbolique qui est forte et qui montre qu’on veut être présent avec le milieu », poursuit-elle.

Dans tout ce processus de rapatriement, trois postes de direction restent toujours à combler, mais pas de là à avoir un impact sur le plein déploiement du mandat de l’ITAQ souhaité par Aisha Issa et son équipe. À plus d’une reprise, la directrice générale a insisté sur l’importance de trouver des solutions contextualisées à la transition agroécologique. Ce leitmotiv doit se traduire par le biais de contextes d’apprentissages qui permettront aux étudiants de développer des savoir-faire et des savoir-être résilients face aux incidents climatiques. Au campus de La Pocatière, on désire inscrire cette orientation d’enseignement dans les enjeux propres à l’Est-du-Québec, voire à tout le monde nordique. La recherche appliquée pourrait même venir en soutien, la nomination d’une cheffe scientifique en pédagogie ayant été officialisée récemment pour tout l’ITAQ.

Baisse d’étudiants

Si le « modèle d’affaires » est clair, l’ITAQ doit maintenant séduire la clientèle étudiante avec sa proposition. Le campus pocatois tire cependant de l’arrière par rapport aux années prépandémie. Au nombre de 331 en 2019, les étudiants se comptent désormais à 285 à La Pocatière, une donnée que relativise la directrice générale.

« Il y a une baisse en général dans tout le réseau collégial. Nos activités de recrutement étaient aussi à leur plus bas niveau durant les années de pandémie. Et il faut dire qu’on offre des programmes d’études qui sont fortement orientés sur la pratique ; c’est la marque de l’ITAQ. L’enseignement par la pratique, à distance, disons que c’est beaucoup moins attrayant. »

Le programme Technologie des procédés et de la qualité des aliments (TPQA) semble être le grand perdant de cette diminution d’étudiants, lui qui n’a pas démarré cet automne pour une deuxième année d’affilée, faute d’inscriptions. Aisha Issa se veut toutefois rassurante, le programme est là pour rester : une entente signée avec une école tunisienne permettra l’arrivée de dix nouveaux étudiants en TPQA dès la rentrée 2023. D’autres initiatives promotionnelles sont aussi dans les cartons pour bien présenter toutes les facettes de ce programme aux débouchés divers et novateurs, mais relativement inconnus.

Gestion et technologies d’entreprise agricole (GTEA), Technologie des productions animales (TPA) et Techniques équines demeurent quant à eux les programmes phares au campus de La Pocatière. Les inscriptions y sont d’ailleurs demeurées stables, selon la directrice générale. Du recrutement international est tout de même prévu, de concert avec d’autres établissements collégiaux québécois. Des pays francophones d’Europe et d’Afrique ont été ciblés, à la demande des enseignants et de la direction de l’expérience étudiante. Au Canada, du démarchage a aussi été entamé au Nouveau-Brunswick, et des activités de recrutement sont à l’agenda en Ontario.

Investissements

Autre dossier majeur, des investissements dans les infrastructures se poursuivront en 2023 à l’ITAQ. 12 M$ avaient été confirmés par le ministre André Lamontagne en 2021 pour le maintien d’actifs à La Pocatière et à Saint-Hyacinthe, en plus de 59 M$ pour de nouvelles infrastructures. Plusieurs travaux « non visibles » ont été réalisés durant l’été, comme les systèmes de ventilation, de chauffage et de plomberie, de confirmer la directrice générale.

Le prochain investissement d’ampleur touchera la Ferme-école Lapokita, dont l’appel d’offres public a été lancé le 11 octobre. Dans le cadre de ce projet, l’ITAQ prévoit procéder à la mise aux normes de la fosse de compostage, réhabiliter l’ancienne meunerie et bergerie – que le MAPAQ et la Société québécoise des infrastructures (SQI) prévoyaient pourtant démolir avant la pandémie –, procéder à des travaux au centre équestre et à la ferme laitière conventionnelle, et convertir l’ancienne écurie de reproduction en bâtiment multiélevage.

« Actuellement, nous n’avons que les bovins de boucherie, les vaches laitières et les volailles. Nous voulons ramener les cinq univers de production animale à la Ferme-école, ce qui inclut l’ovin et le porc. Notre projet est aussi d’intégrer davantage la technologie dans le quotidien de l’exploitant en agriculture et en production animale, que le T dans ITAQ prenne toute sa dimension. »

Ces investissements en actualisation des infrastructures de la Ferme-école Lapokita seraient aussi une occasion pour la Faculté de médecine vétérinaire (FMV) de faire valoir ses besoins dans le cadre du programme d’enseignement décentralisé annoncé à Rimouski le printemps dernier. Neutre dans ce dossier, malgré la mobilisation politique régionale qui réclamait que la décentralisation de ce programme universitaire se fasse entre ses murs, l’ITAQ a rappelé travailler à la phase de transition et d’implantation de la médecine vétérinaire à l’UQAR, afin que ses gros animaux et ses installations soient considérés dans cette phase de réflexion où la FMV évalue actuellement ses besoins.

« Dans les travaux que nous faisons avec l’UQAR et la FMV, on veut s’assurer que nos infrastructures soient utilisées et qu’il n’y ait pas de duplication pour ce programme. Que ce soit physiquement ici ou dans le virtuel, on travaille pour être partie prenante du projet. »

Aisha Issa, directrice générale de l’ITAQ.