L’intrigue de Là où on enterre les bêtes, premier polar de l’auteur québécois G.R. Roussel, se déroule à Tipton, un bled paumé du Kansas. Dillon Dixon, alias Butterball, alias « la fille du pendu », est la seule détective noire de la région. Dotée d’un physique ingrat, elle est décrite comme étant (je cite) « une femme surdimensionnée de tête, de corps et de poitrine ».
L’action commence quand le jeune Troy Morris Jr. débarque au poste de police en prétendant que son chien a tué sa mère. Dixon a des doutes, croit à une fabulation, mais la scène de crime atroce prouve les dires du gamin. Le chien a bouffé une partie du cadavre ! Mais ce n’est pas lui qui a tué la mère de Troy Jr. L’assassin court toujours…
Ce n’est là que le début d’une série de meurtres sanglants avec une signature : le tueur, en plus de charcuter sauvagement ses victimes, prélève leur jambe droite. À quelle fin ? La rumeur se propage : il y aurait un serial killer cannibale qui opère dans le coin. La traque commence… les surprises aussi !
Encore une sempiternelle histoire de meurtres en série ? Oui, mais ce récit est un polar baroque, plutôt original dans le traitement de ce cliché, et qui a le mérite d’être à la fois captivant et amusant. Ses qualités principales sont le style, les personnages, et cette façon ingénieuse dont l’auteur revisite à sa manière un cas de figure convenu, tarte à la crème du thriller contemporain.
Dillon Dixon est un personnage attachant, au QI impressionnant. Elle traîne son blues au Hound, unique bar du bled, où elle espère dénicher l’âme sœur en s’enfilant des shooters de Fireball. Mais l’élu se fait attendre. Du côté du tueur, nul mystère. Il est connu dès les premiers chapitres. Il se nomme Belford King, et souffre d’un gros problème : il est né avec un micropénis, ce qui complique (euphémisme) ses relations avec les femmes. Il se venge en les massacrant. À travers cette histoire policière un brin déjantée, où se côtoient humour et horreur, l’auteur jette un regard critique, sans concessions, sur une Amérique décadente, raciste, inculte, vulgaire et violente.
G. R. Roussel, LÀ OÙ ON ENTERRE LES BÊTES, Montréal, Fidès, 2025, 304 pages