Éditorial – ITAQ : Trop peu, trop tard…

André Lamontagne. Photo : Emilie Nadeau.

On peut s’émouvoir encore longtemps du déménagement du siège social de la future ITAQ vers Saint-Hyacinthe. On peut aussi avoir de la sympathie pour la sortie des élus kamouraskois qui s’en offusquent aujourd’hui et qui réclament la nomination d’un président sud-côtois sur le conseil d’administration. Malheureusement, c’est trop peu trop tard…

La vérité, aussi crue soit-elle, est que ces mêmes élus ont failli à défendre les intérêts du campus de La Pocatière en commission parlementaire en janvier dernier, à la suite du dépôt par le ministre André Lamontagne du projet de loi constituant l’ITAQ le 26 novembre. Contrairement à d’autres organisations, comme la Fédération des cégeps, le Syndicat des professeurs de l’État, l’Union des producteurs agricoles ou même la Fédération étudiante collégiale du Québec, qui ont toutes jugé bon de déposer des mémoires dans lesquels des recommandations ont été formulées afin d’inciter à des amendements au projet de loi, les élus kamouraskois ont regardé le train passer.

Aujourd’hui, le maire de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et ancien directeur de l’ITA Rosaire Ouellet avoue qu’ils ont été « naïfs » et que leur silence a été motivé par un désir de ne pas faire « foirer » ce qui était déjà en branle, lire ici la sortie de l’ITA de la fonction publique du MAPAQ pour en faire une école indépendante évoluant sous le même principe qu’un Cégep. Une stratégie discutable, avouons-le, quand on sait que 10 organisations sont passées en commission parlementaire et que neuf autres qui n’ont pas été entendues ont tout de même déposé un mémoire. Aux dernières nouvelles, rien n’a « foiré » et l’ITAQ sortira malgré tout de la fonction publique gouvernementale pour voler de ses propres ailes.

Claude Béchard

Mais voilà qu’à minuit moins cinq de la constitution de l’ITAQ, alors qu’on apprend — sans surprise — que le siège social n’aura finalement pas pignon sur rue à La Pocatière, mais à Saint-Hyacinthe, les élus kamouraskois sortent aujourd’hui dans les médias s’émouvoir de ce peu de considération pour la région où s’y perpétue une tradition d’enseignement agricole depuis plus de 150 ans au sein de la première école d’agriculture au Canada.

Dans une lettre adressée au ministre de l’Agriculture André Lamontagne, on fait même appel à la mémoire du regretté Claude Béchard qui aurait dit, de son vivant, « que la direction générale et le siège social de l’ITA demeureraient à La Pocatière si éventuellement son statut changeait ». Personne ne remettra jamais en doute l’ardeur que Claude Béchard mettait à défendre sa région auprès des instances gouvernementales à Québec, mais 11 ans après son décès, et trois gouvernements dûment constitués plus tard, lui prêter encore quelques intentions que ce soit ne fait pas très sérieux, surtout auprès d’un parti politique qui n’a pas à entretenir de devoir de mémoire à son sujet.

Encore une fois, la vérité toute crue, c’est que nos élus ont failli. Ils ont failli à bien analyser les intentions du ministre Lamontagne dans l’adoption de ce projet de loi, et cela, depuis le jour un de son dépôt. À plus d’une occasion, il a rappelé la vocation « nationale » de l’ITAQ afin d’étouffer toutes les revendications historiques ou régionales qui pourraient découler de sa constitution. Ainsi, jamais le ministre ne s’est engagé à répondre à quelconque demande de représentation régionale sur le conseil d’administration et jamais il n’a été écrit non plus dans la loi où le siège social aurait pignon sur rue. Si fenêtre il y avait pour réclamer ces particularités, c’était en janvier dernier en commission parlementaire. Malheureusement pour les élus, la fenêtre s’est depuis refermée.

Marie-Eve Proulx

À leur défense, il faut aussi dire qu’ils s’attendaient à ce que la députée et ex-ministre Marie-Eve Proulx fasse son travail. La directrice à son bureau de circonscription affirme d’ailleurs que des représentations ont été effectuées par la députée de Côte-du-Sud auprès du ministre Lamontagne pour que le siège social de l’ITAQ soit à La Pocatière et que ces représentations « se poursuivent ». Mme Proulx aurait même agi pour empêcher que cela se produise, mais elle n’a pas jugé bon aviser les élus du Kamouraska une fois le tout officialisé. Jonglant avec des critiques et plaintes de toute part au sujet de sa façon de gérer son personnel depuis plus d’un an, on peut douter de l’ardeur qu’elle a pu mettre à la tâche à ce moment crucial pour le campus de La Pocatière.

Raison de plus pour que le milieu régional demeure vigilant, donc, s’il désire conserver les acquis restants autour du campus pocatois de l’ITAQ, comme l’affirme Rosaire Ouellet. Et sachant que nos élus semblent plus éveillés à se mobiliser lorsqu’ils ne sont pas représentés à Québec par un député-ministre, la démission récente de Marie-Eve Proulx comme ministre déléguée au Développement économique régional est peut-être la meilleure chose qui ne pouvait pas arriver pour réveiller en eux cet esprit gaulois qui a déjà été un peu plus affirmé.