On ne pourra jamais reprocher à André Simard de manquer d’ambition, ou même de vision. Interpeller aujourd’hui le ministre André Lamontagne à considérer l’ITAQ, Campus de La Pocatière comme lieu d’enseignement de la future formation en médecine vétérinaire « décentralisée » de l’UQAR peut sembler gros, mais dans les faits, l’idée est loin d’être farfelue.
Deux nouvelles sorties à quelques jours d’intervalle ont allumé l’ancien directeur de l’ITA de 1996 à 2010 et ancien député péquiste de Kamouraska-Témiscouata de 2010 à 2012 sur ce sujet. La première, l’annonce par le premier ministre François Legault de formations universitaires « décentralisées » en présentiel qui seront offertes par l’UQAR dans les campus du Cégep de la Gaspésie et des Îles présents aux Îles-de-la-Madeleine, à Carleton-sur-Mer et Gaspé. La seconde, l’autorisation par le Conseil du trésor d’amorcer la planification à Rimouski du projet de Pavillon de médecine vétérinaire à l’UQAR, en collaboration avec l’Université de Montréal.
Bien qu’il puisse sembler être minuit moins une dans ce dossier, André Simard, lui-même vétérinaire de formation, s’invite dans le débat et demande à l’UQAR de considérer l’ITAQ, campus de La Pocatière comme lieu d’enseignement. Il interpelle aussi le ministre de l’Agriculture et ministre responsable de la Chaudière-Appalaches André Lamontagne, qui dans sa loi constituant l’ITAQ adoptée l’an dernier, a ouvert la porte à ce que de l’enseignement universitaire y soit réalisé entre ses murs.
Gros bon sens
L’argumentaire d’André Simard fait d’abord appel au gros bon sens. François Legault et le recteur de l’UQAR François Deschênes ont souligné eux-mêmes l’attractivité et la rétention en région qu’apportent les formations universitaires, lors de l’annonce concernant les campus du Cégep de la Gaspésie et des Îles. Suivant cette logique, l’extrémité ouest de l’Est-du-Québec, qui a aussi un grand besoin d’attirer et de retenir, ne devrait-elle pas aussi être considérée pour de la formation universitaire « décentralisée » ?
L’autre aspect concerne la formation en elle-même. C’est un fait connu que le manque de relève en médecine vétérinaire est particulièrement criant en région. Encore pire, ceux qui sont spécialisés dans les soins auprès des animaux d’élevage ont pour la plupart déjà une trentaine d’années de pratique et l’heure de la retraite approche à grands pas. Comme la relève est peu intéressée par cette spécialisation, le remède trouvé est celui de « décentraliser » la formation vétérinaire, actuellement offerte par l’Université de Montréal, mais à sa faculté située à Saint-Hyacinthe.
Or, autant Rimouski se distingue en ce qui a trait aux sciences maritimes, autant la capitale bas-laurentienne n’a jamais été réputée pour être un haut lieu du savoir-faire agricole. Le Kamouraska et La Pocatière avec l’ITAQ, oui ! En plus, non seulement les locaux ne manquent pas au sein du campus de La Pocatière, mais la proximité des troupeaux de gros animaux — bovins et chevalins à la Ferme-école Lapokita et ovins au Centre d’expertise en production ovine du Québec (CÉPOQ) — rend la suggestion d’André Simard encore plus réaliste.
Retombées
Même s’il est question de cohortes annuelles de 25 étudiants, il est évident que les retombées d’une formation universitaire de la sorte seraient plus que positives à La Pocatière et dans la région. Pensons qu’aux étudiants, dont plusieurs seraient certainement logés dans les résidences du Cégep de La Pocatière ou ailleurs, et qui combineraient sûrement leurs études avec un emploi, un plus en ces temps de pénurie de main-d’œuvre. Toutes les dépenses qu’ils engendraient auraient aussi un impact non négligeable sur l’économie régionale, à même titre que celles des professionnels qui graviteraient autour de cette formation.
Qui dit enseignement universitaire dit aussi recherche, ce qui permet à des milieux comme le nôtre de diversifier leurs champs d’expertise en se spécialisant dans de nouveaux domaines porteurs. Et est-il fou de penser que dans la foulée, des partenariats intéressants pourraient être développés avec le Cégep de La Pocatière et son déjà réputé programme de Techniques de santé animale ?
Il y a aussi toute la logique économique derrière cette proposition. Un gouvernement responsable qui fait une gestion saine de l’argent des contribuables ne devrait-il pas regarder les infrastructures déjà disponibles sur son territoire avant de songer à bâtir à coup de millions des édifices dont la mission première n’a aucun lien avec l’ADN des milieux supposés les accueillir ? À moins que le tout ne soit politique, la CAQ ayant affiché clairement son désir de prendre la circonscription de Rimouski dévolue au Parti québécois jusqu’à tout récemment, avec sa candidate vedette Maïté Blanchette Vézina…
Peu importe les intentions réelles du gouvernement, et même si ce projet de Pavillon de médecine vétérinaire à Rimouski lié au ministère de l’Enseignement supérieur semble déjà bien en branle, le ministre André Lamontagne, s’il est réellement de bonne foi face à La Pocatière, a le devoir d’étudier la recommandation d’André Simard qui l’interpelle aujourd’hui. Après le coup fumant du siège social de l’ITAQ à Saint-Hyacinthe, c’est la moindre des choses.